C'était le XXe siècle T.2
Vingt minutes !
Durant tout ce temps, Charpentier est demeuré seul devant la porte de la chambre de Stavisky. Seul.
Vingt minutes ont pu permettre d’instaurer un dialogue. Charpentier a-t-il dépeint à Stavisky ce qui l’attendait : l’inévitable passage à tabac – Stavisky gardait un souvenir horrifié de celui qui avait suivi son arrestation à Marly –, les longues années de prison, l’irrémédiable déchéance ?
Une question de plus : un autre homme n’a-t-il pu être introduit par Charpentier dans le chalet ? J’ai reçu à cet égard une lettre bien étrange de M. Joseph V., inspecteur divisionnaire honoraire de police. Celui-ci a recueilli les confidences de l’inspecteur Le Gall, « Petit Louis », comme l’appelaient ses intimes : « Malheureusement, je ne pourrai, par écrit, vous révéler ce que je sais. Sachez cependant que c’est Le Gall – seul – qui reçut, le 5 janvier 1934, le pli scellé du directeur de la Sûreté nationale (je crois M. B.), pli qui ne devait être ouvert que par le commissaire central de Chamonix, en présence du commissaire Charpentier, de la direction de la Sûreté nationale à Paris, et de Le Gall. C’est encore “seul” que Le Gall chercha, “sans succès”, dans la journée du 6, la villa repaire où se cachait Stavisky, qu’il dut endosser toute la responsabilité des opérations et pour cause ! Que c’est Le Gall “seul” qui dénicha, le 7, à la pointe du jour, la fameuse villa, et cela était et fut un exploit, car les villas inoccupées étaient nombreuses. Il fallait d’abord ne pas se faire remarquer, et puis la chance, le “pot”, l’aida en ce sens qu’un événement surgit brusquement d’une villa. Le Gall avait la villa ! Il téléphona à Paris et, ayant reçu l’ordre de brusquer l’opération, il l’appliqua. Je ne puis aller plus loin… Il y a le “feu rouge”. Lorsqu’ils pénétrèrent dans la villa, ils étaient quatre ! »
Il m’a été impossible d’en savoir davantage.
N’oublions pas que trois policiers seulement ont pénétré officiellement dans le chalet : Charpentier, Le Gall et Girard. Qui serait le quatrième ?
Elles sont achevées, les vingt minutes. Le Gall et Chatou remontent de la cave. Charpentier fait signe à Chatou de sortir. Il place Le Gall en faction devant la porte. Lui-même quitte le chalet et, en compagnie du gendarme Brun, s’en va téléphoner chez un tapissier du nom de Lechat. Il appelle la Sûreté générale, à Paris. Le gendarme Brun témoignera :
— J’ai entendu le commissaire annoncer qu’il avait visité, la villa où habitaient Voix et sa maîtresse, qu’il avait trouvé une pièce fermée, et qu’il croyait bien que l’individu recherché était à l’intérieur. Bien entendu, j’ignore ce qu’on lui a répondu.
Cette fois, Le Gall est seul à son tour devant la fameuse porte verrouillée. Un peu plus tard, des journalistes l’interrogeront : n’a-t-il rien entendu ? Il confiera qu’il percevait parfaitement le souffle de l’occupant de la chambre, un souffle « court et oppressé ».
Il est 15 h 45 quand Charpentier remonte vers le Vieux Logis. En route, il croise un reporter du Journal , Armand-Henry Flassch. À son adresse, il lancé :
— Ça y est ! On le saute !
Flassch ne se le fait pas dire deux fois. Il suit le policier. La nuit tombe peu à peu.
Quelques minutes plus tard, Lucette Aimeras et Voix reviennent de leur promenade. D’assez loin, ils aperçoivent des ombres autour de la villa. Précipitamment, ils rebroussent chemin.
Il est près de 16 heures quand Charpentier et Brun rejoignent Le Gall à l’intérieur du chalet. Le Gall qui leur fait signe qu’il n’y a rien de nouveau. Fort des ordres qui viennent de lui être donnés, Charpentier décide de pénétrer de force dans la pièce. Il glisse un passe-partout dans la serrure. Aucun résultat : il y a une clé à l’intérieur. Cependant, pour la première fois, les policiers enregistrent une réaction de l’autre côté de la porte : un frôlement, puis un froissement de journaux. Et une voix apeurée :
— Qui est là ?
C’est alors que Charpentier frappe à grands coups de poing le panneau de bois :
— Allez, ouvrez ! Police !… La maison est cernée !
Un coup de feu suit immédiatement. Le gendarme Brun affirmera :
— On n’a même pas entendu le bruit de chute. Seulement un bruit métallique. Peut-être celui
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