Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
C'était le XXe siècle T.2

C'était le XXe siècle T.2

Titel: C'était le XXe siècle T.2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
Vom Netzwerk:
beaucoup ont cru retrouver le paradis perdu. Le rêve n’a duré que le temps des illusions. En 1929, après un jeudi noir à Wall Street, une crise a déferlé sur les États-Unis avant de rejoindre la France deux ans plus tard. En 1934, les propriétaires exploitants ruraux sont ceux qui souffrent le plus : au désordre économique s’ajoute une surproduction mondiale. Le prix du blé et celui du vin s’effondrent.
    Le monde du commerce et de l’industrie ne va guère mieux. La production industrielle – indice 108 en 1930 – tombe à 82 en 1934. De plus, à la suite de la dévaluation de la livre en 1931 et de celle du dollar en 1933, les prix français ne sont plus compétitifs  (7) . Le dépôt de bilan guette les entreprises. Les salariés souffrent tout autant et peut-être davantage : on enregistre une baisse des salaires et des traitements qui, depuis 1929, atteint 20 %  (8) . Encore ce chiffre ne tient-il pas compte du chômage partiel qui pèse sur plusieurs secteurs de l’économie, notamment les charbonnages.
    Les jeunes découvrent un avenir sans promesse. Les diplômés piétinent à la recherche d’improbables emplois. Tous dénoncent la vie chère. Bref, c’est la crise .
     
    De mois en mois, le malaise s’aggrave. Il est bien proche, pour les anciens combattants, de se muer en colère. D’autant plus que ceux-ci découvrent à l’est, avec l’irrésistible progression du mouvement nazi, une nouvelle menace allemande. Est-ce pour un tel résultat qu’ils ont versé leur sang ? Ils accusent les gouvernements successifs, portés au pouvoir depuis 1918, d’avoir préféré les jeux stériles de la politique à une défense efficace du pays. Ils croient assister à ce que Horace de Carbuccia appellera le « massacre de la victoire ». Eux dont les moyens d’existence se réduisent de jour en jour, ils observent sans indulgence la forfanterie de ces « nouveaux riches » dont ils savent que la fortune a souvent été édifiée pendant la guerre. Leur argent coule à flots, il éclabousse. Les scandales portent maintenant des noms, ceux de leurs promoteurs : Rochette, Marthe Hanau, Oustric.
    La machine politique ne tourne pas rond, elle grippe, elle n’avance plus que par soubresauts. Les élections n’amènent au pouvoir que des majorités fragiles. Sous le moindre prétexte, on jette à bas le gouvernement. Ont-ils conscience, les députés, de l’hostilité profonde qu’ils soulèvent partout en France ? De 1920 à 1934, trente ministères ! Certains ne durent qu’un mois, d’autres cinq jours !
    Ce qui naît, à l’égard du parlementarisme, c’est un véritable phénomène de rejet. D’aucuns vont plus loin : ils accusent la république.
     
    En première ligne, un mouvement royaliste tire à boulets rouges sur la « gueuse ». Un journal et un parti l’incarnent sous le même nom : l’Action française . À sa tête, un théoricien, sourd et obstiné, Charles Maurras, draine, par la fermeté de sa pensée et ses bonheurs de plume, jusqu’à l’admiration de ses adversaires. L’écrivain se double d’un pamphlétaire vigilant. Armé d’une conception passéiste de l’État, il répudie tout suffrage universel, appelle au corporatisme, à la restauration de la morale. Tout cela serait resté lettre morte si Maurras n’avait conçu l’idée de coiffer d’un roi son abstraction. Avant Maurras, le monarchisme en France ressemblait à une peau de chagrin que le peu d’esprit combatif des derniers fidèles conduisait doucement à l’anéantissement. Après Maurras, on s’est remis – surtout par haine de la république – à crier Vive le roi !
    Dans les colonnes du journal l’Action française , Maurras distille ses théories mais ne s’y enferme nullement. Ce familier de la Grèce antique appelle à l’assassinat, conseille d’aiguiser les poignards et annonce que, d’ailleurs, il prend des leçons de tir. Ce contraste insolite fait lire l’Action française . D’autant plus que Léon Daudet, fils d’Alphonse, s’acharne à longueur de colonnes sur des cibles qu’il pourfend avec une allégresse de Gargantua. Il possède l’art des épithètes. Sous sa plume, Albert Sarraut devient Albert Salaud, Paul Reynaud le petit putois mirobolant, Aristide Briand le maquereau béni et Édouard Herriot l’imposteur chaleureux. Chautemps sera – pour longtemps – le Stavisqueux.
    À Maurras comme à Daudet, tout est bon : l’attaque

Weitere Kostenlose Bücher