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C'était le XXe siècle T.2

C'était le XXe siècle T.2

Titel: C'était le XXe siècle T.2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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frontale, l’insinuation, la calomnie, le mensonge. Chaque matin, ils portent atteinte à une réputation, ils aiguisent le mépris de leurs lecteurs contre ceux qui ont en charge le destin de la France.
     
    1934, c’est le temps des ligues. Elles agissent en ordre dispersé mais disposent d’adhérents prompts à se muer en commandos. Ils s’entraînent quasi militairement et se préparent au combat. L’Action française est une ligue. Elle compte 60 000 adhérents dans toute la France et 8 300 pour la région parisienne. Sous l’impulsion de Maurice Pujo, elle peut à tout instant jeter dans la rue 2 000 camelots du roi. But de la ligue de l’Action française, proclamé par son président en titre, l’amiral Schwerer : « Flanquer la république par terre, car nous estimons que le régime républicain conduit à la ruine et à la mort. Nous trouvons très naturel qu’on ait une autre opinion, mais c’est la nôtre. »
    Les Jeunesses patriotes sont animées par l’énergique et richissime Pierre Taittinger, député de Paris. Elles militent, selon leurs statuts, « pour la défense du territoire national contre les dangers de révolution intérieure, pour l’accroissement de la prospérité publique et pour le perfectionnement de nos institutions ». Effectifs : 300 000 en France, 35 000 dans le département de la Seine. Parmi ces derniers, 1 500 sont organisés en « groupes mobiles » qui aiment à défiler, vêtus de sombre, coiffés du béret basque.
    D’autres ligues, éblouies par l’ ordre qui règne au-delà des Alpes, ne se cachent pas de s’inspirer du fascisme italien : c’est le cas de la Solidarité française, fondée par le parfumeur milliardaire François Coty – 10 000 adhérents portant béret, chemise bleue, bottes, ayant pour devise « la France aux Français » – et du Francisme, aux effectifs réduits, mais dont le chef Marcel Bucard ne redoute pas, en cas de « coup dur », de faire appel à des hommes de main revêtus pour l’occasion de l’uniforme fasciste.
    Dans la rue, ces ligues pourraient se révéler une réelle « force de frappe ». Le véritable danger va pourtant venir d’ailleurs. Les anciens de 14-18, pour une grande part, sont unis au sein de l’Union nationale des anciens combattants (UNC). Sa devise dit tout : « Unis comme au front. » L’Union regroupe 900 000 cotisants dont 72 000 dans la région parisienne. Aucun parti politique – et de loin – ne peut annoncer autant d’adhérents. À l’origine, l’UNC n’a d’autre but – ses statuts l’affirment – que « de conserver, pour le bien du pays et au profit de ses adhérents, les liens de bonne camaraderie créés par la guerre 1914-1918 ». En regroupant les combattants qui y ont pris part, elle entend « servir par tous les moyens en son pouvoir les intérêts moraux, sociaux et matériels de ses membres ». Or, les anciens combattants ont ressenti comme une injure l’amputation que l’on a fait subir à leurs pensions et éprouvé, au spectacle des scandales et face aux désordres parlementaires, du « dégoût » et de l’« écœurement » : les mots reviennent sans cesse au cours des réunions qu’ils tiennent. L’amertume domine en particulier au sein du groupe parisien que préside le conseiller municipal de droite Georges Lebecq. Pour le moment, elle reste verbale, mais demain ?
    Au sein d’une autre organisation d’anciens combattants – celle-ci groupant surtout des adhérents de gauche –, l’ARAC (Association républicaine des anciens combattants), un malaise identique se fait jour. Avec cette différence que, sous l’impulsion de Jacques Duclos, ses 20 000 membres sont prêts à exploiter leurs ressentiments au profit d’une république socialiste.
    Les Croix-de-feu ont réuni à l’origine les seuls anciens combattants. Le groupement s’est augmenté des Fils et filles de Croix-de-feu, puis des Volontaires nationaux et du Regroupement national. Les Croix-de-feu représentent une force qui compte : en tout 215 000 adhérents, dont plus de 100 000 pour la région parisienne. Et, parmi eux, les volontaires toujours disponibles, ceux qu’on appelle les « dispos » : ils sont 1 200 à 1 500.
    Les Croix-de-feu se rangent avec discipline et enthousiasme derrière leur chef, le colonel de La Rocque, un officier retraité de quarante-sept ans. Belle prestance, silhouette élancée, sourire ouvert, l’image de

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