C'était le XXe siècle T.2
la Constitution allemande ou italienne, ou bien Hitler vous l’imposera. Désormais, il n’y aura qu’un seul parti, celui de tous les Français, un parti national qui fournira les cadres de l’activité nationale.
S’aligner sur les Constitutions allemande ou italienne ! Voilà ce que sont contraints d’entendre ces élus du Front populaire ! Laval brosse un tableau de la politique étrangère de l’entre-deux-guerres, rappelle ses propres efforts pour la paix, condamne l’Angleterre et, agressivement, revient à son propos initial :
— Nous venons de vivre des années où il importait peu de dire d’un homme qu’il était un voleur, un escroc, un souteneur, voire un assassin. Mais si l’on disait : « C’est un fasciste », alors le pire qualificatif lui était décerné ! Nous payons aujourd’hui le fétichisme qui nous a enchaînés à la démocratie en nous livrant aux pires excès du capitalisme, cependant qu’autour de nous l’Europe forgeait, sans nous, un monde nouveau qu’animaient des principes nouveaux.
Ainsi Laval, pratiquant cyniquement l’escalade, ne redoute pas de faire l’éloge du fascisme ! Ses propos dépassent tout ce que les députés redoutaient d’entendre. Nul, comme la veille au Sénat, n’ose lui répondre. Le silence, encore.
La séance est levée. La salle se vide. Cordial, amical, Laval saisit les uns et les autres par le bras, leur glisse des confidences. Il vient de prendre publiquement Héraud à partie. Maintenant, il le traite comme un vieil ami :
— Il y a Hitler et Mussolini : il faut prendre une place entre eux. Moi, tu sais, je suis très bien avec Mussolini. En jouant de l’un contre l’autre, on pourra peut-être arriver à faire quelque chose, mais il faut que je sois là. Tes critiques n’ont aucune raison d’être. Laisse-moi faire, c’est dans l’intérêt de la France que je travaille.
Il s’éloigne, laisse Héraud perplexe. Les autres aussi. Et s’il était vrai que ce Laval détesté soit – lui seulement – en mesure de « rouler » Hitler ?
Le lendemain, 6 juillet, au Sénat comme à la Chambre, on parle, on parle. On défend la République mais, insensiblement, ses meilleurs amis admettent qu’elle doit disparaître.
Ce n’est que le soir, à 18 h 15, que la délégation des sénateurs anciens combattants peut enfin être reçue par le Maréchal.
En pleine forme, le Maréchal. Il accueille les sénateurs avec cordialité et naturel. Il les rassure. Éliminer le Parlement ? Il n’en est pas question. Lui, Philippe Pétain, ne veut pas jouer au chef absolu. Il agira au grand jour et soumettra les nouveaux textes constitutionnels aux commissions parlementaires au fur et à mesure de leur élaboration. Les sénateurs respirent. Ils sont rassurés. Du coup, Paul-Boncour propose de suspendre la Constitution jusqu’à la paix.
Le Maréchal approuve. Il demande qu’on lui soumette un texte. Terminée, l’audience. Les anciens combattants s’en vont, pleinement satisfaits. Dans la soirée, ils vont répéter partout que l’on peut faire confiance au Maréchal.
Le peut-on vraiment ?
Le 7 juillet, à 15 heures, le groupe des sénateurs anciens combattants adopte, à l’unanimité moins deux voix, le contre-projet élaboré par Paul-Boncour. Dès que Laval apprend l’existence de ce vote, il sent le danger. Il court au Sénat, prononce un nouveau discours, beaucoup plus nuancé que celui du 4 juillet. Il va jusqu’à admettre que, dans la nouvelle Constitution, le Parlement pourrait subsister :
— Des parlementaires pourront être désignés comme les législateurs du nouveau régime. D’autres assumeront un poste d’autorité. Il se peut même que le Sénat soit, à défaut de l’autre Chambre, maintenu en fonctions. Enfin, il va de soi que les parlementaires élus par la nation, même s’ils ne siègent plus dans leur assemblée, continueront à bénéficier des avantages matériels attachés à leur mandat.
De l’art et la manière d’user de la carotte et du bâton !
Taurines, non convaincu, va porter au Maréchal le texte de Paul-Boncour. Pétain déclare qu’il l’accepte pour sa part, mais il faut convaincre M. Laval qui, « comme vous le savez, est, pour cette discussion, l’avocat du gouvernement ». Taurines descend chez Laval qui refuse tout net, L’heure n’est plus à la cordialité. Taurines se fâche, annonce qu’il déposera le contre-projet.
— Eh bien,
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