C'était le XXe siècle T.2
vote. Votants : 666 ; majorité absolue : 334 ; pour l’adoption : 569 ; contre : 80 ; se sont abstenus : 17.
C’est fait, la République est morte.
Rayonnant, Laval fait face à l’Assemblée :
— Un seul mot, au nom du maréchal Pétain : je vous remercie pour la France.
Des voix lui répondent : Vive la France !
Un cri unique s’élève qui, face à cette unanimité, – paraît tristement insolite :
— Vive la République quand même !
Marcel Hastier a proféré ce dernier hommage à la République défunte. Aucun écho.
Le lendemain, 11 juillet, le maréchal Pétain promulgue trois actes constitutionnels. Le premier est ainsi conçu : « Nous, Philippe Pétain, maréchal de France, vu la loi constitutionnelle du 10 juillet 1940, déclarons assumer les fonctions de chef de l’État français. »
L’acte constitutionnel n° 2 énumère les pouvoirs du chef de l’État. C’est bien simple, il les a tous. Il est plus absolu que Louis XIV.
L’acte constitutionnel n° 3 précise que le Sénat et la Chambre des députés subsisteront jusqu’à ce que soient formées les Assemblées prévues par la nouvelle Constitution, mais qu’elles seront ajournées jusqu’à nouvel ordre.
Après avoir signé ces trois actes, le Maréchal a ôté ses lorgnons, il a posé sa plume. Et il a dit :
— Voilà !
XI
Éliminez Trotski dans l’année
20 août 1940
Au Kremlin, une grande pièce terne et grise. Trois portraits sur les murs : ceux de Lénine, Marx et Engels. Sur le bureau, des dossiers empilés dans un ordre rigoureux.
Parallèle à ce bureau, une longue table flanquée de quelques chaises et recouverte d’un tapis vert. Ce jour-là – nous sommes en mars 1939 – deux hommes silencieux y ont pris place. Le premier, Lavrenti Beria, chef du NKVD, cligne les yeux derrière ses lorgnons sans monture. Le second, Pavel Soudoplatov, un homme robuste de trente-deux ans, le regard brillant sous d’épais sourcils sombres, semble fasciné par le troisième personnage qui va et vient dans la pièce et dont les pas sont comme étouffés par les bottes molles de Géorgie. L’uniforme sans insigne, la grosse moustache, la pipe : qui ne reconnaîtrait Joseph Staline ?
Avec une déférence que l’on sent de rigueur, Beria prend la parole. Soudoplatov l’écoute avec d’autant plus d’attention qu’il est question de lui. Beria suggère de le nommer directeur adjoint du Département étranger du NKVD et en même temps responsable de toutes les opérations anti-trotskistes. De sa voix blanche, Beria explique :
— Soudoplatov aurait pour mission de mobiliser toutes les ressources du NKVD afin d’éliminer Trotski, l’ennemi du peuple numéro 1.
Tout au long de l’exposé, Soudoplatov remarque que l’attention de Staline ne se relâche pas un seul instant : « Sa concentration, la manière dont il suivait les mots de Beria étaient palpables (80) » Il l’a vu d’abord tenant à la main sa pipe déjà bourrée de tabac, puis frotter une allumette et l’allumer. Jusqu’au moment où Beria s’est tu, il n’a pas cessé de tirer de courtes bouffées. Maintenant il s’interrompt dans sa marche, regagne son bureau et se laisse tomber dans son fauteuil. Il se concentre. Bien sûr, les deux autres respectent ce silence. Enfin, Staline déclare lentement :
— À part Trotski en personne, il n’y a aucune figure politique importante dans le mouvement trotskiste. Si on élimine Trotski, tout danger disparaîtra.
Un silence encore. Soudain, Soudoplatov croit voir Staline se raidir « comme s’il était en train de donner un ordre ». C’est un verdict qu’il prononce :
— Il faut en finir avec Trotski dans l’année.
Il explique que la guerre éclatera bientôt en Europe. Si l’on ne prend pas les devants, on s’exposera à voir les alliés de l’Union soviétique se mettre en retrait. Le précédent espagnol doit être médité.
Staline se lève, va droit à Soudoplatov :
— Vous prendrez la tête des troupes de choc pour que l’action contre Trotski soit une réussite.
Soudoplatov et Beria se sont dressés, eux aussi. Très ému, Soudoplatov sollicite l’autorisation de recruter d’anciens combattants ayant participé aux opérations de guérilla pendant la guerre civile espagnole.
Aucune hésitation de la part de Staline :
— C’est votre travail et le devoir du parti de trouver le moyen de sélectionner un personnel
Weitere Kostenlose Bücher