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C'était le XXe siècle T.2

C'était le XXe siècle T.2

Titel: C'était le XXe siècle T.2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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Marchandeau et Paul-Boncour. Le matin du même jour, L’Action française paraît avec un titre énorme : « Les voleurs se barricadent dans leur caverne. Contre le régime abject, tous ce soir devant la Chambre. »
    Les ligues ont donné les mêmes consignes. Il s’agit donc de manifester devant la Chambre des députés. La manifestation recouvre-t-elle un dessein plus vaste ? On l’a dit. On l’a écrit. On a parlé de complot. Nous y voici.
    En fait, si tout le monde se montre d’accord pour marcher , les buts de chacun apparaissent totalement différents. L’Action française veut balayer la « gueuse ». La Solidarité française et les francistes rêvent d’un coup de force. Les autres – dont l’UNC et la ligue des contribuables – veulent seulement donner une dure leçon aux députés honnis.
    Le délégué général de la Fédération des contribuables a déclaré d’ailleurs, le 29 janvier : « S’il le faut, nous prendrons des fouets et des bâtons pour balayer cette Chambre d’incapables. » Ce qui donne le ton. L’un des manifestants, Du Moulin de Labarthète, appelé plus tard à de hautes fonctions auprès du maréchal Pétain mais pour lors membre des Jeunesses patriotes, confirmera devant la commission d’enquête :
    — Notre but était de pénétrer sans armes au Palais-Bourbon par le seul effet d’une poussée de masse et d’y exercer, après les discriminations nécessaires, de solides représailles (solides mais non sanglantes) sur les élus d’un suffrage universel qui mène la France à la guerre et la ruine.
    En clair, cela veut dire que l’on voulait administrer une fessée aux députés.
    D’où le désir d’organiser le mieux possible une manifestation grandiose, et nullement la volonté de substituer par la force un régime à un autre. À la suite de l’émission de télévision  (17) que j’avais consacrée au 6 février, j’ai reçu un si grand nombre de lettres que je me suis dit un instant que la quasi-totalité des survivants de la manifestation du 6 février avait dû m’écrire. Toutes les opinions étaient représentées. Or, à une seule exception près, mes correspondants se déclarent d’accord sur le fait qu’il n’y a pas eu de complot et pas davantage une tentative de coup d’État. Une preuve signalée sans cesse : si telle avait été la situation, on ne se serait pas borné, le 6 février, à marcher sur la Chambre des députés. On aurait attaqué simultanément les ministères de l’Intérieur et de la Guerre, la préfecture de police, les centraux télégraphiques, téléphoniques, radiophoniques, les gares, etc. Rien de pareil.
    Une action concertée clandestine aurait dû nécessairement emporter l’accord d’hommes politiques de droite. M. Georges Riond me fournit à cet égard un témoignage éclairant : « J’ai déjeuné ce jour-là, chez Lucas-Carton, avec André Tardieu. André Tardieu – qui entourait mes débuts politiques d’une sympathie attentive – m’avait invité en compagnie de Paul Reynaud et d’Henri de Kérillis. S’il y avait eu, de ce côté, un complot politique sous roche, je pense que ces personnages auraient eu d’autre emploi de leur temps que de livrer leurs propos au militant provincial de vingt-quatre ans que j’étais alors. »
    Ce qui ne veut pas dire que d’aucuns – gouverner c’est prévoir – n’aient pas envisagé certaines éventualités. Le docteur Pierre Bourgeois, membre de l’Académie de médecine, m’a écrit : « J’étais, à l’époque, le médecin de François Coty que je voyais tous les lundis soir quand il était à Louveciennes. Nos relations étaient très amicales. Je lui racontais les chahuts, très anodins, qui précédaient chaque chute du gouvernement. Le lundi 5 février, je vais à Louveciennes et, tout naturellement, je parle en souriant de la manifestation prévue pour le lendemain, avec cette fois la participation de l’UNC. Coty est alors devenu très grave. “Docteur, m’a-t-il déclaré, je vous demande de ne pas aller demain à la manifestation et surtout de ne pas y aller avec Mme Bourgeois. Demain le sang coulera.” Devant mon étonnement, il ajoute : “Je viens d’avoir un coup de téléphone de mon ami Jean Chiappe, c’est lui qui me l’a dit !” »
    Pour le moment, on en reste à ce seul projet : marcher sur le Palais-Bourbon, le 6 février, en fin d’après-midi.
     
    Dès le 5, quinze conseillers municipaux

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