C'était le XXe siècle T.2
il s’en prend à « ces nains qui seront balayés par la puissance de notre idée commune ». Visiblement, il répond à Papen. C’est donc à droite que Hitler veut frapper ? Et non à gauche, sur Roehm ? Le 21, Goebbels parle à Berlin :
— Pas de Kronprinz, pas de conseiller, pas de grand banquier, pas de cacique parlementaire !
Là aussi, Papen est visé.
Le même jour, Hitler est à Neudeck où il vient rendre compte à Hindenburg de ses entretiens avec Mussolini. Le maréchal l’interrompt : l’important, c’est d’ôter tout pouvoir à Roehm, d’éliminer le spectre d’une seconde révolution. Roehm, toujours.
Le 22 juin, au siège de la Gestapo, Himmler et Heydrich reçoivent le général von Reichenau. Celui-ci s’engage à avertir les cadres supérieurs de la Reichswehr qu’une action contre les SA est imminente. Imminente ? Himmler et Heydrich n’ont-ils pas pris leurs désirs pour une réalité ? Hitler, à peine revenu de Neudeck, s’est envolé pour Berchtesgaden. Il n’a rien dévoilé de ses intentions. L’incertitude, toujours.
Le 23 juin, se tient une conférence d’officiers supérieurs. On leur apprend qu’un projet de coup d’État a été fomenté par Roehm. L’armée devra défendre la légalité. Le lendemain, le général von Fritsch donne l’ordre aux officiers supérieurs de la garnison de Berlin de se préparer à juguler un putsch SA.
Les chefs SA commencent à arriver à Bad Wiesse. Il fait beau. Les sportifs plongent dans le lac. Les autres boivent de la bière. Certains s’inquiètent : est-il vrai que l’on veuille faire disparaître la Sturmabteilung ? Roehm rit aux éclats, balaie de sa grosse main toutes les craintes : ce ne sont là que des désaccords provisoires, Hitler est son ami. Quand le Führer viendra, il saura, lui, le convaincre. Tout ira bien. Alors, les nageurs retournent au lac et les buveurs soulèvent leur chope. On chante en chœur. L’avenir est à nous, SA.
La machine SS, elle, ne connaît aucun répit. Au moment où les SA se congratulent à Bad Wiessee, Himmler et Heydrich reçoivent les responsables SS d’Allemagne. Ceux-ci sont dûment avertis d’une prochaine révolte SA. Il faudra l’écraser. Les responsables SS reçoivent, sous pli cacheté, les listes de SA qu’ils doivent éliminer. Quel est le sens du mot éliminer ? On le donnera au dernier moment.
Ce qui est sûr, c’est que l’on devra se forger une âme d’airain. Ceux qui seront visés pourront être des dignitaires du parti, des camarades. Tant pis, on l’oubliera.
Le 26 juin, Sepp Dietrich, chef de la garde personnelle SS du Führer et dont l’énergie n’est plus à vanter, apporte à Blomberg un plan SA – fabriqué de toutes pièces – prévoyant la liquidation, au cours d’un putsch, de tous les officiers supérieurs de la Reichswehr. Le même jour – on joue décidément sur les deux tableaux –, la Gestapo arrête Jung, l’ami de von Papen. Le 27, ce dernier proteste avec véhémence auprès de Himmler. On lui répond qu’une enquête est en cours, que Jung est soupçonné d’avoir noué des contacts avec une puissance étrangère, mais qu’il sera bientôt relâché. En fait, Jung est « interrogé » dans une cave de la Gestapo. On le torture. Longuement. Atrocement.
Le 28 juin, l’armée est mise en alerte. Hitler, lui, visite les usines Krupp, dans la Ruhr. Krupp lui-même, le tout-puissant maître de forges, lui prodigue égards et flatteries. Le soir, Himmler appelle Hitler par téléphone. Mauvaise nouvelle : des SA auraient molesté un diplomate étranger. Aucune précision, et pour cause. Hitler explose : un danger public, décidément, ces SA ! Il téléphone aussitôt à Roehm, à Bad Wiessee : il faut que l’on s’explique, une bonne fois. Hitler annonce qu’il sera là le 30 juin, à 11 heures. Que Roehm convoque tous les Obergruppenführer , les Gruppenführer , les inspecteurs de la SA.
Hitler s’est-il-décidé ? À ce moment-là, sans doute non. Aussi étrange que cela puisse paraître, Hitler ne parvient pas encore à se rallier à quelque initiative que ce soit. Les éléments moteurs de l’affaire, ce sont les SS. Ils brûlent les étapes. À Munich, l’armée est mise sur le pied de guerre.
Le 29 juin, Hitler est à Essen. À 10 heures, il prend un thé léger. Son programme : visiter les camps de travail, ceux du Rhin inférieur et de Westphalie. Il se met en
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