C'était le XXe siècle T.2
rhumatismes. Le résultat de ces rapports ? Pour Adolf Hitler, il est urgent de mettre les SA à la raison.
Himmler et Heydrich établissent déjà les premières listes d’hommes à abattre. Elles comprennent les noms de chefs SA, mais aussi ceux d’opposants de droite tels que Schleicher, de collaborateurs de Papen comme le Dr Jung, d’autres. Se servira-t-on de ces listes ? Tout dépend de ce que décidera Hitler, mais elles existent.
Le 1 er juin, l’ Oberführer SS Eicke – qui est aussi commandant du camp de Dachau – reçoit de Heydrich l’ordre d’entraîner ses hommes pour une action rapide. Il devra obtenir d’eux une obéissance aveugle. Contre qui, cette action ? Contre les SA de Munich. Elle peut intervenir à tout instant.
Le 2 juin, l’entraînement des hommes d’Eicke commence.
Le 4 juin, surprise : Hitler a convoqué Roehm et l’a rencontré cinq heures durant. Du côté de Himmler et de Heydrich, c’est l’affolement. La vieille amitié va-t-elle l’emporter ?
Pendant cinq heures, Hitler a adjuré Roehm de comprendre, il s’est plaint des excès, a exigé que la discipline fût restaurée. Roehm a exprimé son amertume et celle des vieux militants. Au cours de l’entretien, Hitler est apparu très rouge, très énervé. Malgré tout, un accord à été conclu. Roehm va aller soigner ses rhumatismes à Bad Wiessee, au sud de Munich. Il convoquera là-bas les membres de l’état-major SA. Hitler les rejoindra et leur parlera.
S’achemine-t-on vers la conciliation ? Himmler et Heydrich le croient.
Le 7 juin, Roehm publie un communiqué à l’adresse des SA qui vont partir en vacances. On y trouve des phrases qui prennent l’allure d’une provocation : « Que les ennemis de la SA, qui espèrent ne pas la voir revenir, renoncent à leurs illusions. Le jour venu, et dans la forme qui se révélera nécessaire, ils recevront une réponse adéquate. La Sturmabteilung est et restera le destin de l’Allemagne. » Pas de doute : le Führer n’a pas convaincu Roehm. « Le chef d’état-major, l’officier de tranchée aux manières rudes n’accorde qu’un sursis. Il n’a renoncé à aucune de ses ambitions. » Comment ne pas donner raison à ce commentaire de Max Gallo (24) ?
Du coup, Himmler et Heydrich reprennent espoir. Ils se concertent avec Goering qui, à son tour, entre en lice. Dans l’affrontement entre SS et SA, l’ancien pilote de chasse de 1914-1918, devenu le bras droit de Hitler, a choisi. Il fera tout pour perdre Roehm. S’unissant à Himmler et à Heydrich, il jure au Führer que les SA préparent un putsch qui doit éclater incessamment.
Hitler écoute. Il ne se prononce pas.
Le 12 juin, Joseph Goebbels, intellectuel du parti, ministre de la Propagande, pénètre en claudiquant – il est affligé d’un pied-bot – dans une brasserie de Munich. Il vient rencontrer secrètement Roehm. Qu’est-ce que cela veut dire ? Goebbels, nazi de gauche, juge-t-il opportun de jouer la carte SA ? Ou bien – plus probablement – est-il envoyé par Hitler qui s’acharne à ne pas vouloir encore condamner son vieux camarade ?
Le lendemain, Hitler reçoit l’un des plus anciens nazis, incarnation de la gauche du parti, Gregor Strasser. Les idées de Strasser et de Roehm se ressemblent. Alors ? Nouveau sujet d’alarme pour les conjurés SS.
Le 14 juin, Hitler est à Venise. Mussolini, au zénith de sa gloire, lui fait la leçon : il est temps de mettre de l’ordre en Allemagne.
Le même jour, Roehm arrive à Bad Wiessee, sur les bords du lac de Tegern. Il descend à la pension Hanselbauer. Calme et silence. Du balcon en bois de sa chambre, l’homme à l’encolure énorme, au visage écrasant de laideur, regarde le lac dont les eaux clapotent et, au-delà, les hautes pentes – prairies et forêts – des Alpes de Bavière. Roehm est un homme qui souffre physiquement. Quand il en aura fini avec la conférence d’état-major à laquelle Hitler assistera – elle se tiendra là, dans une annexe de l’hôtel –, il compte bien passer le reste de son séjour à les soigner, ses rhumatismes (25) .
Le 17 juin, Franz von Papen prononce un discours à l’université de Marburg, une mise en garde contre la dictature, l’oubli des libertés et des valeurs traditionnelles. C’est Jung, son collaborateur, qui en a écrit le texte. Le même jour, rentré d’Italie, Hitler parle à Gera, près de Leipzig. Furieux,
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