C'était le XXe siècle T.2
le cri des oiseaux.
Le propre chef de la police de Berlin, Rudolf Diels, parvient non sans difficulté à pénétrer dans une de ces prisons. Il n’est pas exactement un enfant de chœur. Il n’en est pas moins horrifié en découvrant dans les caves des « marionnettes humaines » disloquées, ayant subi toutes les tortures qu’une imagination sadique puisse concevoir. On est au plein de la toute-puissance des SA mais Goering est ministre de l’Intérieur de Prusse. Rudolf Diels fait évacuer ces malheureux, on les transporte dans un car. Même les agents de police se montrent bouleversés.
L’enlèvement des prisonniers par Diels va lui valoir une algarade monumentale de la part du chef SA de la région de Berlin, Karl Ernst :
— De quoi vous mêlez-vous ? Est-ce que vous croyez que les SA sont des jeunes filles ?
Précisément non, les SA ne sont pas des jeunes filles. Quoique certains d’entre eux répondent volontiers au nom de mademoiselle. Roehm est un homosexuel invétéré. Logiquement, il a appelé auprès de lui des homosexuels tels que Ernst, von Spreti, Heines, d’autres. Un réseau spécial a été créé au sein des SA pour procurer de jeunes militants aux chefs supérieurs qui en expriment le désir.
Aux yeux de Adolf Hitler, l’empire SA est devenu redoutable. Nullement parce que les SA soumettent l’Allemagne à leurs pillages et à leurs méfaits. Ce n’est pas là ce qui gêne Hitler. Lui-même ne s’est jamais préoccupé de la loi. Ce qui le gêne, ce sont les déclarations de plus en plus intempestives de Roehm.
On parle beaucoup chez les SA. On prononce des discours en toute occasion. Roehm lui-même parle trop. Il dit que dans national-socialiste , il y a socialiste . Socialisme veut dire nationalisations. C’était naguère le programme du parti, tel que le présentait, avec tant de fougue persuasive, Adolf Hitler. Ce pro-gramme-là, le Führer l’a mis en veilleuse. Pourquoi ?
Au vrai, Hitler est lucide. Il sait que ceux qui votent pour lui se situent nettement plus à droite qu’à gauche. Lors de ses campagnes électorales, il a trouvé beaucoup d’argent auprès des magnats de la Ruhr. Est-il opportun de parler de nationalisations ? Il faut aussi tenir compte du maréchal Hindenburg. Ce vieux soldat, qui semble symboliser la vieille Allemagne, voit d’un très mauvais œil cette prétendue armée, ces gens en uniforme qui singent les professionnels. Ce qu’on lui rapporte de leurs excès lui répugne profondément. Hitler, colosse aux pieds d’argile, a besoin de Hindenburg. Que l’appui du maréchal lui soit retiré et le pouvoir lui échappera.
Or, Roehm continue de pérorer. Il parle d’une nouvelle révolution. Selon lui, la première a eu pour effet de mettre Hitler au pouvoir. Maintenant que le pouvoir est conquis, il faut réussir la seconde, c’est-à-dire socialiser l’Allemagne. On répète, chez les SA, qu’il faut aiguiser les longs couteaux . Origine d’une expression appelée à rester dans l’Histoire.
Roehm répète aussi qu’il faut dire leur fait aux « salonnards galonnés » qui commandent la Reichswehr. Il revendique pour les officiers SA l’assimilation aux officiers de la Reichswehr. D’ailleurs, il faut fondre la Reichswehr dans la SA ! Roehm fait savoir qu’il se sent lui-même désigné pour commander cette nouvelle armée allemande.
Des paroles, encore, que Hitler ne saurait admettre. La Reichswehr est peu nombreuse mais remarquablement commandée : une élite de généraux choisis parmi les meilleurs de la guerre 1914-1918, des officiers de grande qualité et des soldats admirablement entraînés. Aux yeux de Hitler, cette Reichswehr vaut incomparablement plus que les trois millions de braillards de la SA.
Le dessein final inscrit dans Mein Kampf est la guerre, celle qui donnera à l’Allemagne son espace vital. Hitler, pour faire la guerre, a besoin de l’armée.
Au début de 1934, la Reichswehr ne s’est pas encore prononcée pour Hitler. Ses chefs demeurent dans l’expectative. Ils haïssent cordialement les SA. Hitler est-il, oui ou non, l’homme des SA ? Décidément, dans l’Allemagne de 1934, tout tourne autour des SA.
Au mois de mars, l’ Obergruppenführer SA du Gau (région) de Hanovre, Victor Lütze, vient dénoncer à Hitler des propos tenus selon lui par Roehm. Celui-ci aurait déclaré devant les chefs SA :
— Ce que ce caporal ridicule a raconté ne nous concerne pas. Si nous
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