C'était le XXe siècle T.2
épaules.
Himmler l’appelle de nouveau. Hitler rentre dans l’hôtel, prend lui-même l’appareil. Himmler annonce que le putsch SA doit commencer à 16 heures, ce même samedi. Les SA ont reçu l’ordre d’occuper les bâtiments gouvernementaux. La main de Hitler se crispe sur l’appareil. Il paraît hors de lui. Il hurle :
— Le putsch ! Le putsch !
— Ernst n’a pas rejoint Bad Wiessee, dit Himmler.
— Il va diriger le putsch à Berlin ! crie Hitler.
Il raccroche, tremblant de fureur. Goebbels sait que Ernst est à Brème, prêt à s’embarquer pour son voyage de noces. Il ne dément pas.
0 h 45. Appel de Wagner, Gauleiter de Munich. Hitler prend encore l’appareil.
— Les SA sont descendus dans la me, dit Wagner. Ils ont crié des slogans hostiles au Führer et à la Reichswehr.
C’est un Hitler hors de lui qui raccroche :
— Tout est coordonné !
Il crie que les SA ne sont que de la vermine, des traîtres. Il annonce leur châtiment. En fait, les SA de Munich ne sont pas sortis de chez eux. Quelques-uns ont manifesté dans la soirée, mais c’était contre la Reichswehr. Les chefs SA ont aussitôt rétabli l’ordre et exigé que chacun rentrât chez soi. Ce qui s’est accompli, aux cris de Heil Hitler .
Hitler ne songe plus qu’au putsch annoncé par tant de voix. Il répète :
— Roehm ! Roehm !
Brusquement, tout bascule. Achevées, les hésitations. Hitler annonce qu’il part :
— Tout le monde à Munich, tout de suite, puis de là, en avant ! À Bad Wiessee !
Sur cette terrasse qui sent la terre mouillée, devant les eaux noires du Rhin, Adolf Hitler vient de décider du sort de la SA et de celui d’Ernst Roehm.
À 1 h 15, départ des voitures. En montant dans la sienne, Hitler répète : « Un putsch ! Un putsch ! » Est-il sincère ? N’est-ce pas une comédie qu’il se joue à lui-même ? À 1 h 50, départ en avion de Bonn. À 4 heures du matin, l’appareil se pose sur l’aérodrome de Munich. Hitler saute à terre le premier. Il s’élance à enjambées si rapides que les autres doivent courir derrière lui. On discerne dans la nuit deux véhicules blindés et un camion plein de soldats : l’armée est là, prête à agir contre les SA détestés. À un officier qui s’avance, Hitler signifie qu’il ne veut pas de l’armée. Il agira lui-même avec les siens. Il dit :
— C’est le jour le plus dur, le plus mauvais de ma vie.
L’aube se lève. Wagner est venu accueillir Hitler. On monte en voiture. Le cortège s’ébranle. À 5 heures, presque en courant, Hitler fait son entrée dans le ministère de l’Intérieur de Bavière. Un chef SA a le malheur de se trouver sur son passage. Hitler se jette sur lui :
— Qu’on l’enferme !
Il hurle :
— Des traîtres ! Des traîtres !
Le chef SA Schmidt, convoqué par téléphone, accourt. Hitler lui arrache ses galons :
— Traître ! Vous serez fusillé !
À Berlin, Himmler et Heyrdrich se sont retrouvés au siège de la Gestapo. Wagner les appelle de Munich : l’opération est en marche. C’est vrai. À 6 heures, Hitler part pour Bad Wiessee avec sa suite : surtout des SS qui s’entassent dans des voitures et des taxis. Goebbels, Lütze, Brückner sont là. On parvient à 6 h 30 devant la pension Hanselbauer. Tapi dans un tournant, le camion transportant les SS de Sepp Dietrich attend. Avant même que les voitures soient arrêtées, les SS en jaillissent. Hitler saute à terre, s’élance vers l’entrée principale. Un SS force la porte d’un coup de pied. La meute se précipite à l’intérieur. Hitler brandit un revolver. Les autres ont tous l’arme au poing. On se rue dans les couloirs, on ouvre les portes des chambres, on surprend les chefs SA dans leur sommeil. Hitler crie :
— Arrêtez-les !
Voici Spreti à demi nu, que l’on pousse hors de sa chambre. Voici Heines, découvert au lit avec un jeune SA. On le bourre de coups de poing. Il aperçoit Lütze, crie :
— Dites-le, que je n’ai rien fait !
— Je ne peux rien, dit Lütze d’une voix étranglée.
Un silence, tout à coup. Hitler s’est arrêté devant la chambre de Roehm. Un bref instant. Peut-être une ultime hésitation : là, derrière la porte, il y a son vieux camarade. Balayés, les sentiments. Hitler frappe à coups redoublés. Une voix :
— Quoi ? Qu’est-ce que c’est ? Qui est là ?
— C’est moi, Adolf !
Lentement, la porte
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