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C'était le XXe siècle T.2

C'était le XXe siècle T.2

Titel: C'était le XXe siècle T.2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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s’ouvre. Roehm, le torse nu, apparaît. D’abord, il ne comprend pas. Puis, voyant les SS qui dirigent vers lui leurs armes, il proteste. Déclic immédiat chez Hitler : il crie que Roehm lui a manqué de respect et qu’il faut l’arrêter, séance tenante. Ce qui est fait. Cependant que Hitler court vers les autres chambres, Roehm doit s’habiller sous le regard goguenard des SS. On arrête le Standartenführer Uhl dont, bientôt, Hitler affirmera qu’il devait être son assassin. Dans la pension, il n’y a plus un SA qui ne soit prisonnier.
    On les pousse dehors, troupeau atterré. On les force à s’engouffrer dans les voitures. Au dernier moment, le destin a paru hésiter. La garde personnelle de Roehm a surgi, dans un camion, venant de Munich. Tous armés, ces hommes-là. À égalité avec les SS.
    Hitler s’avance vers eux, leur commande de repartir pour Munich. Ils obéissent à leur Führer. Le camion fait demi-tour et s’éloigne.
    Dans la première voiture, Hitler s’assoit à côté du chauffeur. La Mercedes démarre. Les autres suivent, gardiens et prisonniers mêlés.
    Dérision : en route, on croise les voitures chargées de chefs SA qui se rendent au rendez-vous fixé par Roehm. On les arrête.
    Il est 8 heures quand le cortège arrive à Munich. Les prisonniers sont conduits à la prison de Stadelheim. C’est l’heure où, à la gare, arrivent d’autres chefs SA. On les arrête.
     
    À 10 heures, Hitler s’installe au siège munichois du parti. Goebbels téléphone à Goering. Il prononce un seul mot : Colibri . C’est le signal. Celui de l’un des grands massacres de l’Histoire.
    La chasse à l’homme a commencé dans Berlin. Ils sont dix-huit, les hommes de la Gestapo qui sillonnent la capitale, porteurs de petites fiches blanches. Parvenus à l’adresse indiquée, ils sonnent, demandent à rencontrer celui qu’ils sont chargés d’éliminer. Quelquefois, ils l’abattent sans autre forme de procès. D’autres fois, ils l’arrêtent, le conduisent à l’École des cadets. Là, on fusille. Il ne faudra que quelques heures pour que l’état-major SA de Berlin soit tout entier abattu.
    Papen était sur la liste mais Goering a refusé qu’on le tue. Bizarre mansuétude. Il est consigné chez lui. Strasser, lui, a été arrêté. On ne le reverra plus. Le Dr Klausener est abattu à son bureau. On lui glisse un revolver dans la main : moyen classique de soutenir la thèse d’un suicide. Schleicher est assassiné chez lui en même temps que sa femme. Un seul témoin : la bonne. Elle se « suicidera » quelque temps plus tard. Le plan SS a réussi aussi complètement que possible : non seulement on a éliminé les SA, mais annihilé l’opposition de droite et libérale.
     
    À Munich, à la Maison brune, Hitler parle aux SA – les survivants – qui l’acclament. Lâcheté et soulagement : ils sont en vie, ils se renient. On peut être tranquille, ceux-là rentreront dans le rang. C’est désormais Lütze qui les commandera. Hitler lui dicte le nouveau règlement : plus de voitures somptueuses, plus d’orgies. Surtout, une discipline de fer.
    Le Führer s’est fait apporter la liste des prisonniers de la pension Hanselbauer. Il coche six noms. Cela veut dire que ces six-là doivent être fusillés sur-le-champ. C’est à Sepp Dietrich qu’il remet le papier. Un petit silence gêné :
    — J’ai gracié Roehm en raison des services rendus.
     
    Vers 17 heures, Sepp Dietrich gagne la prison de Stadelheim. Six sous-officiers SS prennent position dans la cour. Ils sont alignés, fusil en main. Pour remettre les prisonniers, le directeur exige un ordre écrit. Sepp Dietrich obtempère, s’absente – le temps d’aller à la Maison brune et d’en revenir – et rapporte l’ordre signé par Wagner.
    Une première cellule. Sepp y pénètre, salue le prisonnier :
    — Vous avez été condamné à mort par le Führer pour haute trahison. Heil Hitler !
    Deux SS encadrent le prisonnier. Comprend-il, ce SA qui hier se croyait au sommet de la hiérarchie hitlérienne ? Il marche. La cour, le peloton. Le soleil de juin qui décline. L’officier SS qui commande :
    — Le Führer l’exige. En joue ! Feu !
    Six hommes mourront sans comprendre.
     
    À 19 h 30, Hitler quitte Munich en avion. À travers toute l’Allemagne, le massacre continue. On tue, on tue. Ernst a été arraché au bateau qu’il allait prendre. On l’a ramené à Berlin – et

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