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C'était le XXe siècle T.2

C'était le XXe siècle T.2

Titel: C'était le XXe siècle T.2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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donnera même une réception en son honneur. Quant à Zaporojets, envoyé au camp de Kolyma, il deviendra bientôt chef de l’administration des Ponts et Chaussées. Une sollicitude aussi insolite démontre assez bien que les condamnations les concernant n’avaient été prononcées que pour la forme.
    Que le lecteur cependant ne se réjouisse pas trop vite, si tant est que telle soit son intention. La vindicte stalinienne allait rattraper l’un et l’autre des deux hommes. Khrouchtchev nous informe à cet égard : « Après l’assassinat de Kirov, les hauts fonctionnaires du NKVD de Leningrad subirent des peines très légères mais, en 1937, ils furent exécutés. Nous pouvons supposer qu’ils ont été tués afin que toutes les traces des promoteurs du meurtre de Kirov soient effacées. » Précisons : Medvedev et tous les autres fonctionnaires du NKVD de Leningrad ont été mis à mort. Zaporojets – pourquoi ? – a été épargné.
     
    Tout conduit à confirmer que c’est bien Staline qui a décidé de faire exécuter Kirov.
    Il est cependant impossible de passer sous silence un développement récent de nos connaissances sur cet événement. En 1994, a paru à Boston l’autobiographie de Pavel Soudoplatov, « document unique » selon son préfacier Robert Conquest. Pavel Soudoplatov a dirigé, à l’époque stalinienne, le département des Missions spéciales. Pendant des années, il s’est trouvé au centre de toutes les grandes affaires, parmi lesquelles l’assassinat de Trotski et les opérations d’espionnage qui ont abouti à dérober, au profit de l’URSS, les secrets atomiques américains.
    Robert Conquest signale que c’est à tort que l’on a pu attribuer à Soudoplatov un rôle dans l’assassinat de Kirov. Lui-même ne l’a jamais prétendu : « Jusqu’en 1938, c’était un petit employé du NKVD qui n’avait guère accès aux sphères les plus élevées. »
    En l’occurrence, le témoignage de Soudoplatov ne se rapporte pas à ce qu’il a connu personnellement mais aux confidences de son épouse Emma. Celle-ci a travaillé pour le Département politique secret (culture et idéologie) du NKVD, chargé entre autres de la surveillances du fameux théâtre Bolchoï et des ballets de Leningrad. Après la mort de Kirov, l’équipe d’Emma s’est vu confier une enquête sur les relations qu’avait pu entretenir la victime avec le corps de ballet : « Il s’avéra que Kirov avait une ribambelle de maîtresses au Bolchoï tout comme dans les ballets de Leningrad  (47) . »
    Voilà ce que s’étaient bien gardé de révéler les innombrables rapports officiels sur le « crime du siècle ». Je cite Soudoplatov : « Staline et, plus tard, Khrouchtchev, Gorbatchev ou Alexandre Kakovlev avaient chacun des raisons personnelles pour sauvegarder la réputation d’héroïsme sans tache dont jouissait Kirov. Le parti communiste, qui exigeait de tous ses membres une conduite personnelle d’une moralité irréprochable, ne pouvait se permettre de révéler que l’une de ses figures vénérées, placée à la tête de la section de Leningrad, était un débauché, mêlé à une série d’infidélités conjugales. »
    Selon Soudoplatov, Milda Draule, épouse de Leonid Nikolaïev, « travaillait alors comme serveuse dans le secrétariat de Kirov à l’Institut Smolny ». Rien de plus normal, selon lui, que les gardes en faction aient laissé entrer Nikolaïev, « mari d’une employée et habitué de la maison ». Il affirme qu’« il n’existait alors aucun système spécial de laissez-passer » et qu’il « suffisait à Nikolaïev de présenter sa carte du Parti pour avoir accès aux locaux privés. »
    Remarquons que Milda Draule, spécialiste du chiffre, est curieusement devenue une serveuse. « Séduisante petite Juive, ajoute Soudoplatov, elle était, comme d’innombrables danseuses des ballets, entrée elle aussi dans les bonnes grâces de Kirov ».
    On se souvient que lors de ses premières déclarations enregistrées après l’assassinat, Nikolaïev s’était écrié qu’il avait agi parce qu’il était « doublement bafoué, en tant que mari et en tant que communiste  ». La référence à une jalousie conjugale a disparu dans les interrogatoires suivants…
    Soudoplatov revient sur la liaison de Milda et de Kirov dans laquelle il voit la raison essentielle du geste de Nikolaïev : « De hauts gradés du NKVD – en particulier ceux

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