C'était le XXe siècle T.2
du communisme, nous montre Nikolaïev ayant conçu le meurtre de Kirov « comme un acte politique de grande importance ». Il s’est donc attaché à préparer soigneusement son coup. La difficulté était d’atteindre Kirov qui se promenait souvent à pied dans Leningrad : il était gardé de trop près par ses gardes du corps et leur chef Borissov.
Un jour, cependant, Nikolaïev a pu approcher Kirov de si près que les gardes du corps l’ont empoigné. Ils se sont aperçu que le porte-documents du suspect contenait un revolver chargé et comportait une ouverture sur le côté par laquelle on pouvait tirer sans avoir à l’ouvrir. Nikolaïev a été sur-le-champ conduit au quartier général du NKVD où le directeur adjoint Zaporojets l’a personnellement interrogé. On l’a aussitôt relâché !
Nikolaïev n’a pas renoncé. Par deux fois, on l’appréhende dans le voisinage de l’Institut Smolny. La première fois – un mois et demi avant le meurtre –, on lui ordonne de circuler sans même l’avoir fouillé. Quelques jours avant l’assassinat, il parvient jusqu’au premier poste de garde. On l’interpelle et, quoiqu’il soit cette fois encore porteur d’un revolver, on le relâche de nouveau !
L’incroyable traitement de faveur dont a bénéficié Nikolaïev démontre qu’il a disposé d’importantes protections. Staline a déjà décidé qu’il s’agissait d’opposants. Rien ni personne ne doit venir désormais contredire sa thèse.
Or, malencontreusement, on vient de retrouver Borissov, chef des gardes du corps, dont on était sans nouvelles. Sa déposition promet d’être capitale : lui seul détient tous les éléments qui pourront conduire à la vérité.
On attendra en vain Borissov. La voiture qui conduisait le chef des gardes du corps à l’Institut Smolny a été accidentée et – quel contretemps ! – Borissov a péri.
Pendant des années, la mort de Borissov restera un secret d’État. Pour en savoir davantage, il faudra attendre le célèbre discours que Nikita Khrouchtchev prononcera au XXII e congrès du Parti :
— Lorsque le chef des gardes du corps de Kirov fut emmené en voiture pour son interrogatoire – auquel devaient procéder Staline, Molotov et Yorochilov –, le véhicule, comme le chauffeur le déclara par la suite, eut un accident délibérément organisé par ceux qui accompagnaient l’homme en question sur les lieux de l’interrogatoire. On a prétendu qu’il avait été victime de cet accident alors qu’en réalité il avait été tué par ses compagnons.
Khrouchtchev fait état de la déposition du conducteur de la voiture, toujours vivant au moment où il parle. Curieusement, le véhicule mis à sa disposition n’était pas une automobile classique, mais un camion. Dès le départ, un agent du NKVD est monté à l’avant auprès de lui. Deux autres agents se sont installés à l’arrière du camion afin de garantir la « sécurité » de Borissov. Le chauffeur est sûr que « tout avait été combiné dès le départ ». Alors qu’il roulait vers l’Institut Smolny, l’agent du NKVD assis près de lui s’est tout à coup emparé du volant et a délibérément dirigé le camion vers une maison. Lui, le chauffeur, en luttant pour reprendre le volant, a pu éviter un choc frontal. Le camion a seulement heurté le mur de biais. On l’a alors forcé à descendre du camion et, un peu plus tard, informé que Borissov avait perdu la vie dans l’accident.
À la tribune, Khrouchtchev s’est écrié :
— Pourquoi Borissov est-il mort, alors que personne d’autre n’a été blessé ? Pourquoi les deux fonctionnaires du NKVD qui escortaient le chef des gardes de Kirov furent-ils exécutés par la suite ? Il semble que quelqu’un ait voulu s’en débarrasser et faire disparaître ainsi toute trace. Pourquoi Staline a-t-il éliminé Borissov d’une façon aussi détournée ? Il n’est pas douteux que s’il l’avait fait exécuter comme complice de Nikolaïev, les membres du Parti de Leningrad, qui connaissaient son dévouement pour Kirov, auraient immédiatement émis des doutes quant au bien-fondé d’une telle accusation.
Le sort de Kirov se serait décidé dans le courant de l’été 1934. Yagoda, chef du NKVD, a été désigné comme principale courroie de transmission. Il s’est incliné. Il a cherché, parmi les membres du NKVD de Leningrad, celui qui aurait la charge de « faciliter
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