C'était le XXe siècle T.2
l’assassinat de Kirov (46) ».
C’est à Zaporojets, chef adjoint du NKVD, qu’il a confié cette charge. Il a suffi à celui-ci de découvrir l’existence, dans les archives de la police de Leningrad, du dossier d’un certain Nikolaïev. N’avait-il pas confié à un ami – qui s’était empressé de le dénoncer – sa décision d’assassiner une personnalité du Parti afin de protester contre les gens en place qui bafouaient le léninisme ?
Dès sa première rencontre avec Nikolaïev, Zaporojets est sûr d’avoir découvert l’oiseau rare. Il s’agit d’un psychopathe prêt à s’attribuer le rôle d’un justicier. Une aubaine ! Zaporojets fait remettre un revolver au jeune homme qui, sans autre directive, se met aussitôt en tête de passer à l’action. D’où ses tentatives d’approcher Kirov et de pénétrer au Smolny. D’où ses successives – et incroyables – remises en liberté : elles sont ordonnées par Zaporojets lui même.
C’est Zaporojets qui, le 1 er décembre, donne l’ordre à tous les gardes du corps de Kirov – y compris leur chef Borissov – de disparaître des couloirs de l’Institut Smolny. Encore Zaporojets qui ordonne l’assassinat de Borissov : l’un des accusés des procès de Moscou, Boulanov, l’a affirmé devant ses juges et, au XXII e congrès, Khrouchtchev a apporté à ses dires la plus imprévisible des confirmations.
L’acte d’accusation contre le « groupe Nikolaïev » est publié le 27 décembre 1934. Quatorze « conspirateurs » sont accusés d’avoir projeté les assassinats de Staline, de Molotov et de Kaganovitch en même temps que celui de Kirov.
Les 28 et 29 décembre, Nikolaïev comparaît à huis clos devant le tribunal. À ses côtés, treize complices présumés. On possède le témoignage d’un juge militaire qui assista au procès. Il est bref mais révélateur : « L’attitude de Nikolaïev fut totalement différente de celle qu’il avait eue quand Staline l’avait interrogé. Il avoua avoir tué Kirov avec préméditation sur l’ordre du Centre de Leningrad et donna les noms des membres de ce centre. Mais la plupart des autres accusés ne passèrent pas aux aveux et beaucoup prétendirent n’avoir jamais vu Nikolaïev avant l’assassinat de Kirov. Tous furent condamnés à mort et exécutés sur-le-champ. »
C’est probablement à l’historien soviétique Roy Medvedev que l’on doit le récit le plus poignant des derniers instants de Nikolaïev. Dans un texte publié à Moscou en 1969, il fait état du témoignage de Katsafa, ancien agent du NKVD, désigné pour demeurer en permanence dans la cellule de Nikolaïev dont on redoutait qu’il ne se suicidât : « Nikolaïev raconta à Katsafa comment l’assassinat avait été organisé et qu’on lui avait promis la vie sauve s’il mettait en cause des zinovievistes de Leningrad. Il demanda à Katsafa s’il pensait que cette promesse serait respectée. Lorsque Nikolaïev entendit prononcer la sentence, il se mit à hurler et à se débattre contre les gardes. »
Les 15 et 16 janvier 1935, Zinoviev, Kamenev et dix-sept autres prévenus de « complicité dans l’assassinat de Kirov par Nikolaïev » sont jugés à Leningrad. Zinoviev est condamné à dix ans d’emprisonnement et Kamenev à cinq ans. Les autres sentences s’échelonnent entre dix et cinq ans de prison. Condamnations toutes théoriques : Staline a fait savoir qu’aucun des condamnés ne saurait être relâché à la fin de sa peine. L’avenir montrera qu’il faut prendre à la lettre l’expression « fin de peine » : en août 1936, Kamenev et Zinoviev seront impliqués dans les procès de Moscou, jugés de nouveau, condamnés à mort, exécutés.
Il restait douze inculpés à juger pour cause de « négligence dans l’exercice de leurs fonctions ». Parmi eux : Zaporojets et Medvedev, chef du NKVD de Leningrad, accusés d’avoir « négligé de prendre les mesures nécessaires pour empêcher l’assassinat bien qu’ils aient eu tous les moyens possibles pour l’éviter ». Comparées aux condamnations précédentes, les peines décernées ont laissé pantois ceux qui en ont eu alors connaissance : trois ans de prison à purger dans un camp de concentration. La suite est plus extraordinaire encore : Medvedev sera conduit dans un camp situé sur la mer Blanche, mais « dans un compartiment spécial ». Le commandant du camp le logera chez lui et
Weitere Kostenlose Bücher