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C'était le XXe siècle T.2

C'était le XXe siècle T.2

Titel: C'était le XXe siècle T.2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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On s’arrangera pour faire parvenir ce dossier à Staline. Ainsi mènera-t-on à sa perte Toukhatchevski, le plus dangereux des grands soldats soviétiques.
    Hitler hésite : va-t-il jouer Toukhatchevski contre Staline, ou Staline contre Toukhatchevski ? Finalement, il s’arrête à la seconde solution. Il s’agit, a dit Walter Schellenberg, chef du contre-espionnage nazi, de « l’une des décisions les plus fatales de notre temps  (57)  ».
     
    Le 1 er janvier 1937, c’est précisément Schellenberg que Heydrich convoque. Avec lui, il réunit dans son cabinet le colonel SS Hermann Behrends, chef du service Est du SD et Alfred Naujocks, l’un des hommes de confiance du SD. Étroit, d’apparence effacée, avec des lunettes d’intellectuel, Naujocks se révélera, dans les années qui suivront, le plus redoutable et le plus efficace des agents hitlériens.
    Avec stupeur, avec passion ensuite, les trois hommes l’entendent décrire l’opération capitale pour laquelle le Führer a donné le feu vert. Il les met en garde : un certain nombre de chefs de l’armée allemande ne dissimulent pas leurs sympathies pour la Russie. Il ne faut à aucun prix qu’ils puissent alerter Toukhatchevski.
    Des généraux de Hitler russophiles ? Les SS présents dans le cabinet de Heydrich ne s’en étonnent pas. Ils se souviennent que le traité de Versailles a interdit à l’Allemagne de disposer d’une aviation et d’une force blindée. Postérieurement au traité de Rapallo, les Allemands ont été autorisés à s’exercer en Russie. Cet entraînement s’est poursuivi de 1923 à 1933.
    Selon l’Allemand Sébastien Haffner, « le miracle apparent de la remilitarisation allemande sous Hitler n’a été rendu possible que par le travail de base patient, assidu, opiniâtre, accompli pendant onze années en Russie ». Au cours de ces exercices permanents, cependant que manœuvraient les tanks allemands et que la Luftwaffe s’élançait à la conquête de records nouveaux, une véritable camaraderie s’était instaurée entre les militaires allemands et leurs hôtes soviétiques.
    À l’avènement de Hitler, lorsque les Allemands sont rentrés chez eux, des contacts ont été conservés entre les deux partenaires. Toukhatchevski, comme beaucoup d’autres, a échangé des lettres avec des camarades allemands.
    Ces lettres, le SD en connaît l’existence. Elles doivent constituer la pierre angulaire du plan machiavélique que Heydrich commence à ourdir. Il s’adresse à Schellenberg :
    — Les lettres de Toukhatchevski sont en possession de l’état-major. Il faut que vous demandiez à Canaris de nous communiquer les dossiers où elles se trouvent.
    Rappelons que l’amiral Canaris est alors le chef du contre-espionnage de l’armée. Il existe en Allemagne deux services secrets : celui de l’armée avec Canaris, celui des SS avec Heydrich. Le moins que l’on puisse dire est qu’ils ne manifestent entre eux qu’un très faible désir de coopération.
    Heydrich se tourne vers Naujocks :
    — Je veux que d’ici à demain vous me dénichiez le meilleur graveur d’Allemagne afin de contrefaire des lettres et des documents.
    Il explique :
    — Notre plan consiste à produire suffisamment de documents prouvant que Toukhatchevski et certains de ses collègues de l’Armée rouge conspirent avec les généraux de l’OKW  (58) pour prendre le pouvoir dans leurs pays respectifs. Nous aurons besoin d’un dossier bien fourni de lettres que Behrends rédigera et portant des signatures auxquelles votre graveur aura su donner un parfait caractère d’authenticité. Des photographies de ces documents seront vendues aux Russes et nous ferons en sorte de les convaincre que les originaux paraissent avoir été volés dans les dossiers du SD. Nous devons également donner l’impression que nous menons une enquête sur la trahison de nos propres militaires. Si Staline obtient ce dossier par l’entreprise de son propre service secret et s’il se persuade qu’il est authentique, il brisera Toukhatchevski comme ça…
    Heydrich fait claquer ses doigts.
    — Si nous réussissons, dit Naujocks, ce sera la plus grande catastrophe qui se soit abattue sur la Russie depuis leur révolution.
    — Pourquoi ne réussirions-nous pas ? s’exclame Heydrich. Tout dépend du graveur. À vous de trouver le meilleur  (59) .
    Schellenberg comprend qu’il n’a pas intérêt à faire traîner l’affaire. Il prie

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