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C'était le XXe siècle T.2

C'était le XXe siècle T.2

Titel: C'était le XXe siècle T.2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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Canaris de lui communiquer d’urgence les dossiers qui intéressent tant son chef. Refus très sec qu’il transmet avec une certaine inquiétude. Furieux, Heydrich se voit forcé de s’adresser personnellement à l’amiral dont l’habituelle courtoisie se nuance cette fois de sécheresse pour confirmer que l’armée ne saurait se dessaisir de tels documents. En se retirant, Heydrich lance :
    — Très bien, j’en référerai au Führer !
    À quelques jours de là, un certain Gert Gröthe est convoqué par Heydrich. Mission lui est donnée de pénétrer dans les locaux du ministère de l’Armée, d’y ouvrir les coffres qui lui sont désignés et de dérober les documents qui lui sont décrits. Une fois l’opération réussie, il lui faudra mettre le feu afin de simuler un début d’incendie.
    Tout se passe à la satisfaction de Heydrich. À une exception près : le « début d’incendie » se communique à tous les étages du ministère. Une grande partie des précieuses archives sont détruites et l’immeuble restera lézardé.
    Qu’importe à Heydrich. Il a son dossier.
     
    Un graveur à cheveux blancs se courbe sur son établi. Devant lui, des bouteilles d’encre, des plumes, des pinceaux. Il ne s’arrête que de temps en temps pour essuyer ses lunettes. Non loin de lui, Naujocks, installé sur une chaise, fume des cigarettes en lisant distraitement un journal. Le graveur s’appelle Franz Putzig. Naujocks l’a déniché dans le quartier de Zehlendorf. Membre du parti, il a trente ans d’expérience professionnelle. Quand Naujocks lui a révélé ce que l’on attendait de lui, Putzig a seulement souhaité obtenir une garantie du supérieur local du parti et une autre d’un officier supérieur du SD. Ce qu’ils ont fait.
    Comme prévu, les textes des faux ont été préparés par Behrends. C’est à recopier ces signatures sur les pièces volées au ministère de l’Armée que s’acharne le vieux Putzig. Les heures passent. La nuit s’avance. Putzig travaille toujours.
    À 4 heures du matin, Putzig écarte ses plumes et ses bouteilles d’encre.
    — C’est fini, dit-il.
    Naujocks se précipite. Il n’en croit pas ses yeux. Chaque signature est un chef-d’œuvre de précision, d’exactitude.
    — Vous êtes un génie ! s’exclame-t-il.
    Ce qui émerveille le plus Heydrich, c’est une lettre de Toukhatchevski forgée de toutes pièces. Tout y est : même le filigrane du papier est russe. Le style est celui, caractéristique, de Toukhatchevski. On fait écrire au maréchal que l’Armée rouge et la Wehrmacht se trouveront considérablement renforcées si elles concluent un accord les libérant toutes deux des lourdes bureaucraties qui les coiffent. Dans les marges, des notes au crayon censée ? avoir été rédigées par les services de Canaris renforcent la véracité du faux.
    Au dossier, on a joint une lettre de Canaris à Hitler, résumant le complot : imaginaire, bien sûr. On a même fabriqué une prétendue réponse de Hitler. À ce point de l’opération, va-t-on aller jusqu’à fabriquer une fausse signature du Führer ? Personne ne l’ose. C’est au Führer lui-même que l’on demandera de signer ce document forgé. Il signe.
    De jour en jour, le dossier se gonfle : voici les ordres de Bormann à Heydrich – faux mais criants de vérité – de faire surveiller sur-le-champ les officiers allemands suspects. En définitive, le dossier contiendra trente-deux pages, auxquelles – cerise sur le gâteau – est jointe une photographie de Trotski entouré de fonctionnaires allemands  (60) . Ces feuillets, Heydrich les garde longtemps entre les mains :
    — Absolument remarquable !
    Il se tourne vers Naujocks et lance :
    — Maintenant, photographiez tout cela. Ménagez une lumière suffisamment mauvaise pour bien montrer que vous étiez pressé.
    Naujocks va utiliser un Leica et en éclairera les documents au magnésium. Le résultat ? Un travail d’amateur. Exactement ce que l’on cherchait.
    Le dossier est prêt.
     
    Ici, un nouveau personnage va surgir au sein de cet imbroglio. À son insu. Il s’agit du président de la République tchécoslovaque, Eduard Beneš. Il va devenir l’un des pions majeurs du jeu qui a commencé de se jouer entre services secrets. Avec des dés pipés.
    On connaît parfaitement à Berlin l’obsession du président Beneš. Profondément démocrate, étroitement lié à la France qui a porté son pays sur les

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