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C'était le XXe siècle T.2

C'était le XXe siècle T.2

Titel: C'était le XXe siècle T.2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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d’extermination staliniens pour avoir refusé de croire que d’aussi bons révolutionnaires aient pu tout à coup se muer en traîtres.
    Qui aurait pu deviner que Toukhatchevski avait été arrêté à la suite du plus incroyable enchevêtrement de complots qu’ait connu l’Histoire ? Qui aurait osé supposer que Toukhatchevski était mort parce que Staline l’avait voulu, certes, mais aussi parce que Reinhard Heydrich, le plus fanatique des zélateurs de Hitler, avait paradoxalement secondé le dictateur soviétique ?
     
    Toukhatchevski est né en 1893, près de Smolensk, d’une famille de petite noblesse. Son père, bohème passionné de musique, a épousé une paysanne illettrée. On vit, plutôt mal que bien, des revenus d’un petit domaine. Mikhaïl Nikaloïevitch Toukhatchevski grandit, au milieu de huit frères et sœurs, dans une atmosphère à la Tchekhov. On ne songe guère au lendemain. On vit pour la musique, la littérature, la peinture. Mikhaïl, seul des siens, va préférer aux jeux de l’esprit le sport et les activités physiques. En 1905, il ressent comme une atteinte personnelle la défaite de son pays dans la guerre russo-japonaise. De là naît une vocation : il sera militaire. Alors que ses frères et sœurs choisissent le Conservatoire ou l’Ecole des beaux-arts, Mikhaïl entrera à l’École des cadets, puis à l’école militaire Alexandre.
    À la veille de la guerre de 1914, il est sous-lieutenant, fort différent pourtant de la plupart des jeunes officiers qui portent au tsar un véritable culte. Comme son père, il se veut libéral. Il n’a pas, à l’instar de ses camarades, le goût du vin, du jeu, mais celui du travail. Quand la guerre éclate, il se bat non seulement courageusement mais intelligemment sur le front de Galicie. En février 1915, les Allemands le font prisonnier. Plusieurs fois, il tente de s’évader. Après une marche de trois semaines en plein pays ennemi, une de ses tentatives le conduit jusqu’à la frontière de la Hollande. Repris, on le jette derrière les murs du fort d’Ingolstadt. C’est là que rongent leur frein des officiers de toute nationalité dont le dénominateur commun est d’avoir tenté de s’évader. Toukhatchevski va y rencontrer Roland Garros et le capitaine de Gaulle. Il tente une dernière évasion. Elle réussit. Il rejoint Petrograd en pleine révolution.
    Ce qui se présente à lui, comme à tous les officiers de même origine, c’est un choix. Acceptera-t-il le nouveau régime ou s’opposera-t-il violemment à ce Lénine qui vient d’infléchir si profondément le destin de la Russie ? Non seulement il adhère à la révolution, mais il la servira de son mieux. Quand, au début de 1918, le gouvernement est transféré à Moscou, il l’accompagne et reçoit un poste à la section militaire du Comité exécutif panrusse des Soviets. En avril, il s’inscrit au parti communiste. Les harangues fougueuses et les écrits enflammés de Lénine ont balayé toutes ses hésitations, si du moins il en a ressenti. Il dira que son ralliement a été l’aboutissement de ces idées « avancées » que, dès l’école, il partageait avec de rares camarades.
    La Russie plonge dans la guerre civile. Pour faire face à la contre-offensive blanche menée par l’amiral Koltchak, le général Miller, le général Denikine et le général Wrangel, Trotski vient de créer l’ Armée rouge des ouvriers et des paysans . Pendant quatre ans, Toukhatchevski ne cessera de combattre en son sein. Le 26 juin 1918, à l’âge de vingt-cinq ans, il prend le commandement de la I re armée, première grande unité opérationnelle de l’Armée rouge. On le verra commander la I re armée du front oriental, la VIII e armée du front sud, la V e armée du front oriental, la XIII e armée du front du Caucase, puis continuer le combat sur le front occidental. En mars 1921, il réprime la révolte qui a éclaté dans l’île de Kronstadt. En mai-juin de la même année, il liquide les bandes contre-révolutionnaires d’Antonov. Nul, peut-être, parmi les chefs de l’Armée rouge, n’a dû faire face à tant de situations aussi difficiles, aussi riches d’enseignement de toutes sortes. Se battre dans cette Russie déchirée, c’est apprendre en même temps à mieux connaître le peuple russe. L’expérience acquise au cours de ces années par Toukhatchevski est incomparable.
    La paix revenue ne freine en rien son ascension. Après avoir

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