Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
C'était le XXe siècle T.2

C'était le XXe siècle T.2

Titel: C'était le XXe siècle T.2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
Vom Netzwerk:
lendemain, l’agent soviétique donne son accord. Rendez-vous est pris à la station de métro de Kurfurstendamm. En échange du dossier, l’agent verse les 50 000 marks.
    S’il faut en croire Schellenberg, ce ne sont pas des marks, mais 3 millions de roubles-or qui ont été remis. Il a dû détruire personnellement « la majeure partie des trois millions de roubles payés par les Russes, car ils se composaient de grosses coupures dont les numéros avaient évidemment été relevés par la Guépéou. Chaque fois que l’un de nos agents essaya de s’en servir à l’intérieur de l’Union soviétique, il fut arrêté en un temps record ».
    Une certitude en tout cas : le dossier est bien parvenu à Moscou.
    Pourquoi Staline a-t-il voulu perdre Toukhatchevski ? En 1937, l’ère des grands procès est commencée. La terreur va frapper successivement la plupart des vieux compagnons qui avaient été à l’origine de la révolution d’Octobre. Qu’il y ait eu d’autres « fondateurs » que lui, voilà une idée que Staline en est venu à ne plus supporter. Mégalomane et sanguinaire, il se rapproche, de ces anciens tsars satisfaits lorsqu’ils avaient éliminé successivement les membres de leur famille et de leur entourage.
    Qui plus est, Toukhatchevski évoque pour Staline un souvenir amer. En 1920, pendant la guerre russo-polonaise, Toukhatchevski était allé de victoire en victoire, il avait pris Minsk, puis Wilno. Alors qu’il marchait sur la Vistule, il avait dû faire face à une contre-offensive polonaise, conduite par le maréchal Pilsudski. Sous les coups de boutoir polonais, les Russes avaient dû se replier.
    Certain qu’une aide venue du front sud-ouest en direction de Lublin éviterait l’effondrement, Toukhatchevski l’avait demandée avec insistance. Or, à cette époque, le président du Comité militaire révolutionnaire sur le front sud-ouest n’était autre que Staline. Jaloux des succès de Toukhatchevski, il voulait s’emparer de Lemberg. Ainsi pourrait-il arguer d’un triomphe personnel. Il avait refusé l’aide réclamée par Toukhatchevski et préconisée par le GQG. Il ne s’était décidé à marcher qu’après en avoir reçu l’ordre formel du Soviet suprême. Trop tard.
    Toukhatchevski avait été battu  (65) .
    Gardons-nous de négliger en l’occurrence la méfiance maladive de Staline contre tout ce qui pouvait ressembler à une atteinte à son propre pouvoir. Pour renforcer la cohésion de l’armée soviétique, il a dû laisser les coudées franches aux chefs militaires. Maintenant, le but est atteint : l’armée est devenue redoutable. À ce point que certains de ses chefs se permettent de discuter les décisions de Staline. Quand le dictateur a donné l’impulsion à la « chasse aux sorcières » qui aboutira aux procès de Moscou, tous les chefs militaires ne se sont pas montrés d’accord. Lors de l’arrestation de Boukharine, en 1936, Iakir, Gamarnik, Toukhatchevski, Blioukher, Yégorov, Ouborévitch et Bouline ont protesté. Une telle opposition a paru intolérable à Staline.
    Y aurait-il eu malgré tout une conspiration militaire contre Staline ? Tous les travaux effectués depuis démontrent le contraire. Les réhabilitations effectuées en Union soviétique depuis la mort de Staline prouvent qu’il n’y a pas eu complot. Les archives nazies ne contiennent aucun document confirmant l’existence de relations secrètes entre les chefs militaires soviétiques et les autorités allemandes. Comment Iakir et Feldmann, juifs tous les deux, auraient-ils pu travailler pour l’Allemagne nazie ?
    Peut-être est-ce une autre explication encore qu’il faudrait retenir. En 1937, Staline commence à envisager la possibilité d’un rapprochement avec l’Allemagne, politique qui aboutira au pacte germano-soviétique de 1939. Or les chefs militaires russes y sont farouchement opposés. Ils doivent donc disparaître.
     
    Le 19 janvier 1936, à Londres, quand Toukhatchevski a représenté Staline aux obsèques du roi George V, il a tenté de convaincre les chefs de l’état-major britannique qu’il fallait entreprendre une guerre préventive contre l’Allemagne hitlérienne. Pour y parvenir, il a été jusqu’à révéler le chiffre des effectifs, le volume des armements de l’Armée rouge et même le plan offensif défini, à Moscou, par le Conseil supérieur de la guerre. Abasourdis, les Britanniques ont refusé de l’entendre. Le 9

Weitere Kostenlose Bücher