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C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

Titel: C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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contraindrons par la force. Réponse : bâtiments français répondront par la force. »
    On conçoit que, sous cette forme, le message de Gensoul ait fait bondir Le Luc. Ce dernier tente de contacter Darlan et ne parvient à joindre que le capitaine de vaisseau Négadelle.
    De sa propre initiative, Le Luc n’en donne pas moins l’ordre, à 11 h 55, à tous les navires de guerre français en Méditerranée de se concentrer à Oran et de répondre à la force par la force. L’ordre est donc identique à celui de Gensoul.
    Une question se pose ici, capitale : pourquoi Gensoul n’a-t-il pas fait connaître la troisième éventualité proposée par les Britanniques : le transfert de la Force de Raid à la Martinique ou aux États-Unis ? Comparaissant après la guerre devant la Commission d’enquête parlementaire, Gensoul s’est expliqué :
    — On m’a fait grief de n’avoir pas transmis le message intégralement. À la réflexion, je conviens que j’aurais dû probablement rédiger un télégramme plus explicite. Mais il faut se replacer dans l’état d’esprit du moment, dans la situation où je me suis trouvé devant la remise de cet ultimatum, et devant le fait que les communications étaient très difficiles avec le gouvernement, d’où la limitation du texte de ce télégramme… L’ultimatum anglais était rédigé sur une feuille de petit format. Ce qui en ressortait clairement en était le résumé : exécutez, approuvez, faites ce que je demande ou coulez vos bateaux ou je les coulerai. Je me suis dit :
    « Voilà un ultimatum présenté à la pointe des canons qui est absolument inadmissible à tous les points de vue. Par conséquent, je transmets au gouvernement français, à l’Amirauté française le résumé, la partie qui est en effet vraiment le résumé de l’ultimatum anglais, les quatre dernières lignes. »
    Question  : Pourquoi n’avez-vous pas rendu compte au gouvernement de ce troisième paragraphe de l’ultimatum ?
    Amiral Gensoul  : Je m’en suis fait le reproche après coup. Mais comment se fait-il que, dans mon entourage, on ne m’ait pas fait remarquer qu’il y avait intérêt à faire un compte rendu un peu plus complet ? Étant pris par cette histoire d’ultimatum inacceptable, il ne restait que la dernière solution : ou couler les bateaux ou que ceux-ci soient coulés par les Anglais.
    L’amiral Gensoul n’a jamais mis en avant l’affaire du Richelieu . L’a-t-il seulement connue ? Le jour même où la Force H s’est présentée devant Mers el-Kébir, le croiseur britannique Dorsetshire a été expédié devant Dakar où s’était réfugié le Richelieu , le plus récent de nos bateaux, plus puissant encore que le Dunkerque . Le Dorsetshire était chargé par l’Amirauté britannique d’une mission singulièrement précise : « A. Si le Richelieu appareille et fait route vers le nord, gardez-le au contact. B. S’il s’efforce de se rendre aux Antilles, faites votre possible pour le détruire par une attaque à la torpille et, si cela échoue, éperonnez-le. Je répète : éperonnez-le. »
    Quand l’instinct de l’amiral Gensoul lui a fait passer sous silence la troisième éventualité proposée par les Britanniques à la Force de Raid, n’est-ce pas pour la raison qu’il ne croyait pas à sa réalité ? Les Anglais auraient-ils vraiment laissé les navires de Gensoul gagner la Martinique ? Le jour où l’on prescrivait au Dorsetshire , si le Richelieu s’y efforçait, de l’éperonner  !
    Il faut savoir gré à M. Jules Roy, mettant sa sensibilité de romancier au service de l’histoire, d’avoir sorti de l’oubli l’épisode du Richelieu . En laissant exhumer de leurs cartons cette étrange dépêche – saluons ce fair-play –, les archives britanniques ont mis leur Amirauté dans un bien mauvais cas.
     
    L’ultime espoir de Gensoul est, en faisant durer le dialogue, de gagner la nuit. Peut-être, hors de la vue de la Force H, pourra-t-on manœuvrer. Peut-être les autres unités françaises de Méditerranée pourront-elles rejoindre et intervenir. Il semble que les Anglais aient percé à jour la manœuvre. Le Foxhound transmet au Dunkerque  : « Je regrette de vous informer que l’amiral Godefroy démilitarise ses bâtiments maintenant à Alexandrie avec équipages réduits. » Rien de plus vrai mais les bâtiments de Godefroy, enclavés dans un port britannique, au milieu de bâtiments britanniques, ne

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