C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue
commandant, atteint grièvement.
Fire ! Fire ! Fire ! Les salves se succèdent. Le contre-torpilleur Mogador qui se rue vers la mer encaisse à l’arrière un coup de 380. La plage arrière saute. Le bateau brûle. Les autres contre-torpilleurs, Volta , Terrible , Lynx , Tigre , Kersaint sont sur le point de franchir la passe.
17 h 03. Fire ! Un 380 touche le cuirassé Provence . L’incendie lèche la soute à munitions : on l’inonde. À vitesse réduite, la Provence poursuit sa course. Fire ! Le Dunkerque , frappé par trois 380, est désormais incapable de manœuvrer. C’est le Hood , son compagnon de combat dans l’Atlantique nord, qui lui a porté le coup fatal.
17 h 06. Le Volta est dans la passe. Le Terrible , le Tigre , le Lynx le suivent de près. Un peu plus loin, le Kersaint .
17 h 09. Miracle ! Le Strasbourg franchit la porte du barrage. À 28 nœuds, il fonce vers le large.
Un vrombissement dans le ciel. L’aviation française ! Aussitôt, du pont de l’ Ark royal , les appareils anglais prennent l’air. Combat. Un avion anglais abattu. Un peu plus tard, une nouvelle escadrille française tente de bombarder la Force H. Sans résultat. La DCA a fait barrage.
17 h 15. Le Strasbourg est sauvé. Les contre-torpilleurs ont pu passer. Les bateaux restés dans la rade sont, ou coulés, ou incapables de manœuvrer. Les sous-marins sont intacts, ils partiront à la nuit tombée.
À quoi bon poursuivre le massacre ? Gensoul adresse par radio un message à Somerville : « Vous demande de cesser le feu ». On hisse au mât du Dunkerque le pavillon carré qui signifie que la Force de Raid accepte l’une des propositions citées dans l’ultimatum.
Le feu s’arrête.
Somerville ne se tient pas quitte. Le Strasbourg , unité magnifique, s’est échappé. On s’élance à sa poursuite, on dépêche sur lui les avions, on le bombarde. Le Strasbourg manœuvre, se défend de toute sa DCA. Il échappe à tout, distance la Force H. Le lendemain, à 20 h 15, quand, avec les contre-torpilleurs, il entrera dans le port de Toulon, son équipage et son commandant seront follement acclamés.
Toute la nuit, dans la rade de Mers el-Kébir, les opérations de sauvetage vont se poursuivre. On panse les brûlés, on opère et soigne les blessés. De la souffrance ou de la colère, on ne sait ce qui l’emporte. Au début de la guerre, un matelot s’était fait tatouer sur un bras l’Union Jack. Avec un rasoir, il fait sauter le tatouage.
À l’aube du lendemain, les hommes de veille découvrent une mer vide. Évanouie, la Force H. De son passage dévastateur, il ne reste plus que ces bateaux éventrés, ces blessés, ces morts dont beaucoup gisent encore au sein des coques échouées et ces autres que l’on va enterrer au cours d’une cérémonie tissée de chagrin et de rancœur. Devant l’interminable file de cercueils, Gensoul parle : « Si aujourd’hui il y a une tache sur un pavillon, ce n’est certainement pas sur le nôtre. »
Du côté français, l’amiral Estéva, commandant la flotte sud, déclare : « Les avaries du Dunkerque étant minimes, elles seront bientôt réparées. » Que ne s’est-il tu ! Le 5 juillet, une escadrille britannique surgit dans le ciel, prête à parachever le « travail » de la Force H. On les attend. La DCA française fait merveille et gêne considérablement les Britanniques. Le Terre-Neuve n’en est pas moins coupé en deux et sombre immédiatement. Une large brèche s’ouvre dans la coque du Dunkerque par laquelle l’eau s’engouffre. Alourdi de 25 000 tonnes d’eau, le bateau s’échoue. Les Anglais ont gagné. Le Dunkerque n’est plus qu’une épave (35) .
Le paradoxe, c’est que l’attentat de Mers el-Kébir passa d’abord presque inaperçu en France. Dans sa remarquable étude, M. Denis Baldensperger l’a souligné à juste titre. Tâchons de comprendre : pour les Français, tout s’est déroulé si vite ! Des millions d’entre eux errent encore sur les routes ou campent en des asiles improvisés, souvent hostiles. Ils ressemblent à des asphyxiés qui s’essaient à retrouver leur souffle. Littéralement, ils sont saturés de catastrophes. Surtout, le transistor n’existe pas (36) . En se jetant sur les routes de l’exode, personne n’a songé à emporter ce meuble encombrant qu’est alors un poste de radio. Sur quelles prises de courant l’aurait-on branché ? Les rares exemplaires
Weitere Kostenlose Bücher