C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue
aucune observation. Un message du Foxhound l’a déjà rappelé à son bord. Il a dépassé – largement – le temps qui lui avait été imparti. Il prend congé, serre les mains et, retrouvant tout à coup son français, murmure :
— Permettez-moi de vous dire, d’officier à officier, qu’à votre place, ma réponse aurait été la même…
Les Français se sont éloignés. Holland a regagné le destroyer. L’ambiguïté est le moteur essentiel des tragédies.
C’est au lendemain de l’armistice franco-allemand que l’Amirauté britannique a conçu le principe de l’opération Catapult. Il s’agit de mettre hors de combat notre flotte. On est parti d’un postulat : si la flotte française, quatrième du monde, dotée des navires les plus modernes, les plus puissants, se réunit à la flotte allemande et à la flotte italienne, elle rendra invincibles les forces de l’Axe sur mer. La Grande-Bretagne perdra tout espoir de gagner la guerre.
Le 26 juin, le cabinet de guerre britannique décide de se mettre au contact de l’amiral Estéva, en résidence à Bizerte. Estéva commande en effet l’ensemble des forces navales françaises en Méditerranée, y compris la Force de Raid. Parallèlement, on prescrit à Sir Dudley North de « trouver quelque prétexte pour entrer en contact avec l’amiral qui se trouve à bord du Dunkerque ». Rien de plus tranchant que le verdict qui lui est exprimé : « Si la flotte française ne doit plus combattre, nous désirons la voir gagner nos ports pour l’avoir sous notre contrôle. Si c’est absolument impossible, il faudra la couler. »
Telle est la raison pour laquelle North a rencontré Gensoul. Que le lecteur se souvienne : « J’ai la certitude qu ’ ils ne se rendront pas », a écrit North.
À Londres, on est donc édifié. Inutile de discuter davantage : il faut passer à l’action. On mettra d’abord la main – très lourde, cette main – sur les navires français abrités dans les ports britanniques. On pense que ce ne sera guère difficile. Dans la nuit du 2 au 3, des commandos s’emparent des unités françaises mouillées à Portsmouth et Plymouth. Les équipages français sont faits prisonniers. À signaler, à bord du sous-marin géant Surcouf , une courte bagarre : deux officiers et un marin britanniques, un matelot et un ingénieur mécanicien français sont tués.
Rien de comparable, en vérité, avec l’étape n° 2 : mettre à la raison la flotte de Mers el-Kébir. Sir Dudley Pound rappelle au service actif l’amiral James Somerville. Il lui confie l’« odieuse mission », selon la propre expression de ce dernier. Les instructions du Premier Lord de la mer sont sans ambiguïté : Somerville doit assurer le transfert dans un port britannique de la Force de Raid, à défaut sa reddition, à défaut sa destruction. À Gibraltar, Somerville prend le commandement d’une escadre, la Force H, un porte-avions Ark Royal , quatre cuirassés Hood , Resolution , Nelson , Valiant , trois croiseurs Arethusa , Enterprise et Delhi , dix-neuf destroyers.
Somerville est un marin. Un vrai. Il se met à la place des Français. Il sait – et tous ses officiers avec lui – que l’alternative est irrecevable par des marins. Les Français refuseront tout ultimatum. Ils se défendront.
Somerville va donc adresser à l’Amirauté une série de contre-propositions propres à rendre possible un accord avec les Français. Il a eu l’idée de la mission de Holland – qui a été acceptée. Il a obtenu que la Force H ne se présente devant Mers el-Kébir que dans un second temps. C’est sur sa proposition que l’Amirauté britannique a envisagé que la flotte française puisse se rendre à la Martinique ou aux États-Unis.
Le 2 juillet, à 17 h, la Force H a quitté Gibraltar et mis le cap à l’est. Le 3, à 6 h 45, elle paraît devant Mers el-Kébir.
Darlan a suivi à Vichy le gouvernement français dont il est membre. Il n’a pas jugé bon que l’état-major de la Flotte l’accompagne dans cette ville thermale littéralement prise d’assaut par tous ceux qui, à tort ou à raison, voulaient y résider. Il l’a installé à Neyrac, sous les ordres de l’amiral Le Luc. C’est donc Le Luc qui reçoit le message de Gensoul. Rappelons – c’est important – que le chef de la Force de Raid s’est borné à signaler : « Ultimatum envoyé : coulez vos bâtiments délai six heures ou nous vous y
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