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C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

Titel: C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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Churchill, le 12 juin à Briare, lui avait demandé :
    — Amiral, que faites-vous de la Flotte ? J’espère que vous ne la livrerez jamais !
    — Il n’en est pas question, a répondu Darlan. Ce serait contraire aux traditions navales et à l’honneur. Il n’y aura aucune cession à l’Allemagne ou à l’Italie. Des ordres de sabotage seront donnés en cas de danger.
    Le 18 juin, à l’annonce de l’armistice, l’amiral de la flotte britannique, Sir Dudley Pound, affolé à l’idée que la Flotte puisse être cédée aux vainqueurs, est accouru à Bordeaux. Darlan, en présence de l’amiral Auphan, lui a donné sa parole : en aucun cas nos bateaux ne seraient remis aux Allemands.
    Admirablement renseignés, les Allemands en ont tiré les enseignements que l’on sait. Quand, dans le wagon de Rethondes, ils se sont engagés à ne jamais utiliser ni revendiquer la flotte française, l’amiral Le Luc, membre de la délégation française, a vu les regards d’envie que lui portaient les représentants des autres armes.
    Certes, après l’armistice, il n’a plus été question pour Darlan d’expédier sa flotte en Angleterre. D’ailleurs, à la lumière de la catastrophe militaire, il croit, comme beaucoup de Français, que la Grande-Bretagne sera écrasée dans les huit jours. Il n’en a pas moins sauvé sa flotte. Pour lui, c’est le principal. Sa détermination si farouchement affirmée a fait reculer les Allemands. La Flotte reste française, seulement française. Les ordres secrets qu’il a fait acheminer à tous les bâtiments la garantissent contre toute attaque inopinée. Que les Allemands ou les Italiens approchent d’un bâtiment hors d’état de se défendre et aussitôt il se sabordera.
    En vain le lieutenant de vaisseau Dufay s’époumone-t-il à le rappeler au captain Holland. Les Britanniques n’ont rien à redouter ! Pas un seul bâtiment français ne tombera entre les mains des Allemands ou des Italiens !
    Holland veut bien le croire. Il ne discute pas de la réalité des engagements de Darlan. Le drame, c’est que son gouvernement ne croit pas aux engagements de Darlan. Ou plutôt, il ne croit pas que ceux-ci puissent être tenus. Pas plus qu’il ne croit à la parole d’Hitler. Si la flotte de Mers el-Kébir doit rallier Toulon pour y être définitivement désarmée, comment les sabordages pourraient-ils, avec des équipages réduits, être exécutés à temps ? Comment faire face à l’une de ces opérations éclair dont les Allemands ont le secret ? Dufay proteste. Les ports de désarmement ne sont pas encore désignés. Rien n’indique que la Force de Raid ne restera pas à Mers el-Kébir.
    Impossible, sans être ému, d’évoquer ces deux hommes dans cette cabine changée en hammam. L’un et l’autre sont des hommes de bonne volonté. Chacun, de toutes ses forces, souhaite éviter le pire.
    Ce qui les emporte, c’est quelque chose qui défie le raisonnement autant que la logique. Cela s’appelle la fatalité.
     
    9 h 25. Bouleversé, Dufay quitte un Holland aussi ému que lui-même. Il regagne le Dunkerque, rend compte à Gensoul qui tente de se raccrocher encore à l’espoir de plus en plus ténu d’une négociation. Pour que celle-ci puisse s’amorcer, il importe de faire connaître que, sur l’essentiel, il ne cédera pas. Peut-être alors les Anglais renonceront-ils à déchaîner l’irrémédiable. Dufay doit donc repartir sur-le-champ, accompagné cette fois du capitaine de vaisseau Danbé, pour rejoindre Holland toujours amarré à sa tonne. Les deux hommes sont chargés de remettre le message que voici :
    « 1° Amiral Gensoul ne peut que confirmer la réponse déjà apportée par le lieutenant de vaisseau Dufay.
    « 2° Amiral Gensoul est décidé à se défendre par tous les moyens dont il dispose.
    « 3° Amiral Gensoul attire l’attention de l’amiral Somerville sur le fait que le premier coup de canon tiré contre nous aurait pour résultat pratique de dresser immédiatement toute la flotte française contre la Grande-Bretagne, résultat qui serait diamétralement opposé à celui que recherche le gouvernement britannique. »
    En silence, Holland a lu la note. Pas un mot de commentaire. Il se raidit. Son visage exprime une immense déception. Au tour de Danbé de plaider, de répéter que les Anglais doivent être sûrs que jamais – jamais – les bateaux français ne tomberont aux mains des Allemands. Holland ne formule

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