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C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

Titel: C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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et à manifester. Là, ils demeuraient sous ce soleil accablant, sans un geste, sans un signe d’irritation, dans un parfait silence. » Il lui a fallu longtemps pour en découvrir l’explication : « Cette discipline, cette soumission immédiate aux ordres, était un reste de ce qu’on leur avait imposé dans les camps. C’est plus tard, en voyant des photos de ce qui s’était passé là-bas, que j’ai compris. »
    Après être passé devant la petite table de la police française, chaque passager remet ses documents d’identité aux responsables juifs qui s’empressent de les faire disparaître dans la chambre des machines.
    Tout à coup, un craquement sinistre, des cris de peur et de douleur proviennent du fond du bateau : quatre étages de couchettes viennent de s’écrouler sous le poids de ceux qui les ont rejointes. Quelques blessés, heureusement sans gravité. Les charpentiers réparent. Chacun, dans un ordre exemplaire, regagne sa place : un peu moins de 1 000 personnes sur le pont B, un peu moins de 2 000 sur le pont C, un peu moins de 2 000 sur le pont D. Le pont supérieur A est réservé à l’équipage, au commandement et aux responsables. Le pire, c’est le pont D, pratiquement à fond de cale. La chaleur des machines ajoute à la canicule extérieure. Littéralement, on vit dans une étuve. Le peu d’air que diffusent les manches et que l’on happe avidement est brûlant. Certains s’évanouissent. Malgré cela, nul n’enfreint l’interdiction absolue de quitter sa couchette. D’heure en heure, le Président Warfield se remplit d’allongés.
    Dans l’après-midi, le bateau a fait le plein. Va-t-il pouvoir quitter Sète ?
     
    Le même 10 juillet, à midi, l’ambassadeur britannique Duff Cooper est reçu par Georges Bidault. Il est porteur de documents accablants qui démontrent que les 4 500 passagers du Président Warfield sont des Juifs en partance illégale pour la Palestine. L’ambassadeur veut savoir – il insiste : savoir – ce que va décider le gouvernement français. Dans le même temps, l’ambassade de Grande-Bretagne adresse des notes de plus en plus comminatoires au secrétariat français à la Marine marchande – qui dépend de Jules Moch –, signalant notamment que le commandant du Président Warfield n’est pas en possession d’un certificat de sécurité et, de ce fait, n’a pas le droit de naviguer. Même démarche du consul général britannique à Marseille auprès de l’Inscription maritime.
    Or c’est le lendemain – oui, le lendemain – que le ministre Ernest Bevin arrivera à Paris pour l’ouverture de la conférence européenne sur le plan Marshall, tournant capital pour l’avenir du continent ravagé par la guerre. Impossible aujourd’hui de se brouiller avec les Britanniques ! Venya Pomeranz – toujours à Paris – le sait qui, pour éviter un « lâchage » français dans l’affaire du Président Warfield , va courir, tout au long de la journée, chez plus de quinze personnalités, de Léon Blum à Édouard Depreux. Dans la coulisse, André Blumel se démène. Un prêtre catholique d’origine juive, l’abbé Glasberg, intercède même auprès de Mme Georges Bidault, sa camarade de la Résistance. Léon Blum n’est plus au gouvernement, mais il en reste le maître à penser. Sa réaction est celle d’un homme d’État : étant donné la conjoncture internationale, il conseille à Venya Pomeranz de renoncer pour le moment au départ du Président Warfield . C’est naturellement l’avis de Georges Bidault. En revanche, Depreux s’affirme toujours partisan d’un appareillage immédiat.
    La cohésion ministérielle va-t-elle voler en éclats ? Quand, au soir du 10 juillet, le Conseil des ministres se réunit à Paris, le Président Warfield reste toujours amarré à un quai de Sète. Ce soir-là, on apprend à Paris que le gouvernement tchécoslovaque, après avoir d’abord accepté de se rendre à la conférence de Paris – ultime illusion quant à sa liberté de choix en politique étrangère – n’enverra décidément pas de délégation. Moscou a dit niet . La liberté est morte à Prague. Comme le dira bientôt Winston Churchill, un rideau de fer est tombé sur l’Europe.
    Au Conseil, Bidault insiste : dans de telles conditions, il n’est plus imaginable de mettre en péril la solidarité franco-britannique. La majorité se rallie à ce point de vue et le gouvernement tranche : le Président Warfield

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