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C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

Titel: C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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l’inquiétude monte : comment pourra-t-on échapper à ces chasseurs redoutables qui n’abandonnent pas leur proie d’un pouce ?
     
    Pour le moment, Yossi et Ike demeurent optimistes. Il est exclu que les Anglais cherchent à capturer le bateau dans les eaux internationales. En revanche, dès que l’on aura pénétré dans les eaux palestiniennes, ils attaqueront. Yossi et Ike ont leur plan : en vue de la Palestine, on poussera le navire au maximum de sa vitesse. On s’en gardera bien jusque-là afin de tromper les Anglais sur la puissance réelle du bateau. Après quoi, on foncera vers le rivage et l’on s’y échouera. Le tirant d’eau du Président Warfield n’est que de 8 pieds : 2,40 mètres.
    Yossi soliloque :
    — Les croiseurs ne pourront pas nous suivre en eaux peu profondes. Le temps qu’ils mettent des vedettes à la mer, les passagers auront débarqué. Les uns à la nage, les autres grâce à des embarcations lancées de la terre.
    À bord, l’angoisse s’apaise. D’une couchette à l’autre, d’une coursive à l’autre, on répète que ces Anglais ne vont tout de même pas prendre le risque de couler un bateau civil chargé d’autant de femmes et d’enfants. Maintenant, c’est plutôt avec de la curiosité que l’on observe les navires de guerre. De jour en jour, les Britanniques s’approchent davantage. À certains moments, ils sont si près qu’on les voit distinctement observer les ponts. Devant ces véritables grappes humaines, ils ne dissimulent pas leur perplexité. On entend même fort bien leurs haut-parleurs.
    Arlette Guez se souvient : « Ils nous parlaient plutôt gentiment et en plusieurs langues : français, allemand, yiddish, s’inquiétant de savoir si nous étions bien, si nous avions ce qu’il nous fallait. À ce moment-là, ils étaient encore courtois et aimables, corrects comme on disait des Allemands au début de l’Occupation et sans cesse la question revenait : "Combien êtes-vous ?" »
    Pour l’époque, le ravitaillement se révèle plus abondant que celui de la moyenne des Français. Plus de 3 000 calories par jour : viande, thon, sardines, potage, lait, thé, café, cacao, biscottes, fruits en conserve. Pour les enfants : des jus de fruit, des œufs, du porridge, des fruits et des légumes frais. Seule est rationnée l’eau douce : un litre par personne et par jour. Dans l’air de plus en plus torride, les passagers ont soif.
    Dans la nuit du 15 au 16, la radio capte un message : le Mossad souhaite que le bateau soit baptisé Exodus 47 . En hébreu : Yetziath Europa 5707 . Ce qui signifie Exode d’Europe, an 5707 du calendrier juif. Le mercredi 16, au réveil, les haut-parleurs du bord font connaître à tous le nom que portera désormais le bateau :
    — Frères, le Président Warfield a cessé d’exister. Votre navire est désormais un navire israélien, son nom est Exodus 47 . Que l’étoile de David le protège ! Nous allons arborer notre emblème national !
    Déjà, à l’arrière, le pavillon du Honduras est amené. On hisse celui d’Israël : blanc avec deux bandes bleues horizontales et, au milieu, l’étoile de David.
    Sur le pont supérieur, on n’a jamais vu tant de monde. On pleure. Coiffes de la calotte noire, le châle de prière sur les épaules, des hommes clament la parole de Dieu face à l’Orient.
     
    Le même jour, à 14 heures, Paula Abramovitch, originaire d’Europe centrale et rescapée des camps, qui a mis la veille un bébé au monde, meurt terrassée par une embolie. On enferme son corps dans une toile de tente lestée de chaînes d’ancre que l’on enveloppe du drapeau sioniste. Le lendemain à l’aube, on stoppe les machines. Yossi, la voix étranglée, prend la parole en hébreu :
    — Que Paula dorme en paix : son fils poursuivra la montée en Eretz qu’elle n’a pu achever. Il sera un homme libre et non un Juif errant !
    Un rabbin prononce les prières des morts. On bascule le cadavre à la mer.
    L’enfant vivra.
     
    Jeudi 17 juillet, 6 heures du matin. Ceux qui, à bord de l’ Exodus , dorment encore sont réveillés en sursaut. Ce sont les haut-parleurs britanniques qui, une fois encore, hurlent leur adjuration en forme de sommation :
    — Vous avez tout juste le temps de faire demi-tour. Nous ne voulons pas faire la guerre à des réfugiés. Ne vous laissez pas entraîner par les meneurs dans une aventure sans issue. Si vous entrez dans les eaux territoriales de la

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