Chasse au loup
une tactique suicidaire ! Nous avons tous failli y rester !
— Je pensais, j’espérais, qu’il allait tenter quelque chose, comment aurais-je pu deviner qu’il servait dans la milice et qu’il allait se jeter sur nous avec une foule de soldats ?
— C’est tout ce que vous trouvez à dire pour justifier ce carnage ?
— Non, je n’ai pas que cela à dire pour ma défense ! s’emporta Relmyer. Certes, il y a eu bien des morts par ma faute, mais j’aurais fort bien pu être le premier d’entre eux ! L’appât, c’était moi. Je croyais que mes hussards et vous, vous constitueriez l’hameçon, pas le deuxième ver. Je me donnais une chance sur deux de survivre à son coup de feu et c’était pour cela que j’avais tant besoin de vous ! Si j’avais été tué, je serais mort en sachant que je vous léguais cette enquête, à Pagin et à vous deux.
Lefine était consterné.
— Cet homme est dément !
Relmyer s’entêtait. Il appuyait son discours de grands gestes, ce qui était inhabituel chez lui.
— Cela n’a rien à voir avec la folie, c’est mathématique ! Si votre adversaire est un cavalier d’exception, assaillez-le quand il prend son déjeuner dans une auberge ! Tout le monde possède un point faible et c’est là qu’il faut frapper ! Celui que je recherche est remarquable en tactique défensive. Il dissimule ses traces, ne fait jamais parler de lui... Alors, je l’ai harcelé, énervé avec mes provocations, encore et encore. Jusqu’à ce que l’exaspération l’oblige à rechercher la confrontation directe. J’ai agi comme le rabatteur qui fait du bruit pour effrayer le gibier afin que celui-ci quitte sa cachette. Je l’ai forcé à attaquer à découvert et cette façon de procéder était si différente de ses habitudes qu’il s’est montré bien moins efficace qu’à l’accoutumée. C’est pour cela que son embuscade a été un vaste échec : mal préparée, mal encadrée et mal exécutée. En revanche, dès que notre homme est retourné à sa tactique favorite – fuir dans la forêt, éviter le choc frontal, utiliser la traîtrise... –, il a repris le dessus sur nous. Si vous m’abandonnez, je ne vous en tiendrai aucunement rigueur, bien entendu. Pagin et moi, nous finirons bien par débusquer ce loup de sa forêt !
— Comment cet homme a-t-il appris que vous le recherchiez ? Comment a-t-il su où nous trouver et à quel moment ?
— Je vous l’ai dit : je préparais mon piège depuis longtemps. Je n’ai pas cessé de semer des indices sur mon chemin pour qu’il comprenne que j’étais revenu et que je le cherchais. J’ai disposé des petits soldats en étain à l’endroit approximatif du sentier où il m’a enlevé, dans la ferme en ruine, autour de mon ancien orphelinat... Des jouets d’enfant placés dans ces lieux qui nous lient : mon message était limpide. Ajoutez à cela le grabuge que j’ai volontairement fait à l’orphelinat de Lesdorf, les récriminations officielles et officieuses de Mme Blanken, mes esclandres avec les policiers et les magistrats demeurés à Vienne que je suis allé insulter pour leur incompétence... On a beaucoup parlé de mon retour.
Margont pressa son flanc blessé afin que la douleur, ravivée, chassât à nouveau les effets de l’alcool. Lefine saisit le sens de ce geste et secoua la tête, effaré. Margont ne quittait pas Relmyer des yeux.
— Quand je me suis rendu avec vous pour explorer cette ferme en ruine il l’avait incendiée. Outre le fait qu’il voulait faire disparaître d’éventuels indices, c’était sa réponse à vos provocations. Il vous faisait savoir qu’il avait bien reçu votre message, qu’il était dans votre intérêt d’abandonner vos recherches et que, si vous continuiez, vous alliez finir comme Franz et comme Wilhelm ! Il tentait de vous effrayer.
— Sur le coup, j’ai été choqué, concéda Relmyer. Mais, par la suite, je m’en suis réjoui ! Mon plan se révélait efficace, l’homme commençait à paniquer.
— La scène que vous avez faite au bal faisait partie de votre plan !
— Tout à fait. J’ai aussi laissé un soldat en étain sur la tombe fraîchement creusée de ce pauvre Wilhelm.
L’assurance de Relmyer s’effritait toujours plus. Elle partait en lambeaux, révélant une autre facette de sa personnalité.
— Quel autre choix avais-je ? M’asseoir à la terrasse d’un Kaffeehaus sur le Graben et déguster des
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