Christophe Colomb : le voyageur de l'infini
l’île des
Sept Cités !
— Pour autant qu’elles existent !
— Oseriez-vous mettre en doute la parole
d’Afonso V et de Dom Joao ? Tous deux, par différents brevets, ont
accordé la propriété de ces îles à différents capitaines et barons qu’ils
souhaitaient récompenser. Ils l’ont fait avec votre approbation et sur vos
conseils. Dois-je vous citer les noms de ceux à qui furent octroyés ces
privilèges ?
— Vous avez réponse à tout ou vous feignez de l’avoir.
Que se passerait-il cependant si ces îles se dérobaient devant vous ?
— Rien ne serait changé à mes plans. Je prends
solennellement l’engagement de parvenir à Cypango dans un délai de huit à dix
semaines.
L’évêque de Ceuta gloussa :
— Pensez-vous que c’est en le jurant sur les Saintes
Écritures que pareil miracle se produira ? Vous prenez-vous pour un
nouveau Moïse et allez-vous ordonner aux flots de s’ouvrir devant vous ?
Devons-nous vous fournir des destriers afin qu’ils galopent à sec jusqu’à cette
terre ? Je suis las d’entendre de telles sottises.
Sourd aux objurgations de mestre Rodrigo, qui s’efforçait de
le calmer, le prélat, suivi de son secrétaire, quitta la salle, en clamant haut
et fort que son temps était précieux et qu’il ne voulait pas le gaspiller en
vaines palabres.
José Vizinho dévisagea Cristovao :
— Notre ami, ainsi que vous le constatez, n’aime pas
être contredit. Pourtant, c’est le meilleur des hommes et ses colères sont
aussi spectaculaires que passagères. Il ne me déplaît pas d’ailleurs que vous
l’ayez agacé. Il se croit obligé de pourfendre les idées nouvelles pour
défendre sa réputation, mais je sais qu’il les préfère aux sornettes dont on
lui a longtemps rebattu les oreilles. C’est sans doute l’esprit le plus libre
et le moins obstiné que je connaisse. Seulement, voilà, il n’aime pas qu’on lui
ôte ce privilège. Je préfère ajourner nos débats.
Le médecin prit à part Cristovao :
— Vous avez marqué des points, même si vous n’en êtes
pas conscient. Reste que votre grand tort est de défendre une théorie isolée.
Car vous ne citez nul savant de notre temps à l’appui de votre thèse.
— Détrompez-vous. À vous, je peux le confier, car
j’incline à vous faire confiance et vous paraissez disposé à faire progresser
ma cause. Quand nous nous retrouverons, je serai en mesure de vous produire la
lettre que m’a adressée Paolo Toscanelli. Il confirme tout ce que je vous ai
dit et je me réservais d’invoquer ce texte quand cela serait nécessaire.
— N’y manquez point. Cela pourrait venir à bout de nos
réticences. Pour l’heure, faites-moi le plaisir de venir vous restaurer en ma
compagnie. Puis nous passerons l’après-midi ensemble car j’ai plusieurs choses
à vous montrer dans cette maison.
*
Il se passa plusieurs semaines avant que Cristovao ne soit à
nouveau convoqué par les frères de Sagres. Ceux-ci lui avaient fait savoir
qu’ils respectaient son chagrin. Ainsi que l’avait pressenti le frère Juliao,
Dona Felippa s’était éteinte sans bruit. Il n’en avait éprouvé ni tristesse ni
peine, plutôt une forme de lâche soulagement à l’idée qu’elle et lui étaient
libérés de leurs chaînes. Pour la première fois de sa vie, il était réellement
libre, seul à pouvoir décider de son destin, sans avoir à se préoccuper
d’autrui. Son père était sans doute mort, tout comme sa mère. Bartolomeo avait
enfin acquis son indépendance et l’assurance nécessaire pour tenir tête à ses
clients. Son fils Diego était chez Miguel et Violante Molyart et, d’après ce
qu’il savait, s’en trouvait fort aise.
Plus rien ne le retenait à Lisbonne si ce n’est la
conviction que, sous peu, le roi du Portugal lui confierait le commandement
d’une flotte qui appareillerait pour Cypango. Il en était tellement persuadé
qu’il traitait les choses avec une étonnante légèreté. Ainsi, il s’était bien
gardé de réclamer à frère Juliao l’original de la lettre que lui avait adressée
Toscanelli. Il se contenterait de la copie qu’il en avait fait réaliser.
C’était bien suffisant et, s’il le fallait, il était prêt à en appeler au
témoignage de frère Juliao ou à celui de Meshoullam de Volterra.
Il avait d’autres soucis en tête. Son beau-frère, Bartolomeo
Perestrello y Moniz, dès qu’il avait appris la mort de Dona Felippa, lui
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