Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Titel: Christophe Colomb : le voyageur de l'infini Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
Vom Netzwerk:
années,
toutes les nations de cette partie du monde recherchent le moyen de parvenir
plus rapidement en Inde et au pays des Sères. Il n’existe que deux moyens de le
faire, par terre ou par mer. J’exclus la première hypothèse. De l’extrémité de
l’Occident, où nous nous trouvons, jusqu’à l’extrémité de l’Orient, la distance
est énorme. Ptolémée pense que les deux points sont séparés par 180 degrés
mais, comme d’autres, j’incline à penser qu’il vaut mieux se fier à
l’estimation de Marin de Tyr, qui parle de 233 degrés. Encore ne tenait-il pas
compte, et pour cause, des territoires découverts depuis, ce à quoi il faut
ajouter la distance entre l’extrémité de ces terres et Cypango. J’en conclus
que, depuis Lisbonne jusqu’à Cypango, si l’on prend la direction de l’est, il y
a 291 degrés. Ce sont là des distances énormes qui rendent illusoire toute
possibilité de trafiquer aisément avec ces pays. Les Saintes Écritures nous le
disent : il fallait trois ans aux navires du bon roi Salomon pour aller de
Goush Eber jusqu’en Inde et en revenir.
    C’est le premier point sur lequel je veux attirer votre
attention, à savoir qu’il est vain de vouloir gagner Cypango en empruntant la
route de l’Orient. Je le dis en sachant combien vous pourrez être scandalisés
par mes propos : nous nous trompons en cherchant à contourner l’Afrique.
D’une part, rien ne prouve qu’un passage existe entre la mer Océane et la mer
Indienne, d’autre part, rien ne nous dit que, s’il existe, il soit
franchissable par nos navires. Enfin, s’il l’était, cela ne changerait rien au
fait que la distance à parcourir serait énorme.
    Le second point de mon argumentation est que nous savons
que, contrairement à l’opinion du commun, la surface de la terre recouverte par
les eaux est nettement plus petite que ce que nous pensons. C’est ce que nous
indique clairement le Livre d’Esdras quand il dit : « Et, le neuvième
jour, tu as rassemblé les eaux et la septième partie de la terre, et tu les as
asséchées. » Entendez bien ces mots, nobles seigneurs : « Et tu
les as asséchées. » Esdras, que les Juifs tiennent pour l’un de leurs
chefs et dont les Pères de l’Église nous apprennent qu’il avait annoncé la
venue du Christ, nous enseigne clairement que la mer ne peut recouvrir les
trois quarts de la terre, comme on le voit trop souvent sur les cartes établies
par des sots et des ignares.
    C’est pour cette raison que, sur notre carte, la forme de la
partie habitable de la terre n’est pas le quart d’un demi-cercle et que les
eaux ne sont pas figurées comme entourant les pôles du monde, ainsi que
l’Orient et l’Occident, et couvrant les trois quarts de la terre. J’y ai
représenté une figure dans laquelle la mer Océane a la plus grande partie de
ces eaux autour des pôles et où l’autre partie s’étend en longueur d’un pôle à
l’autre entre les commencements de l’Inde et la fin de l’Afrique.
    D’où il s’ensuit que la fin des terres habitables vers
l’Orient et le début des terres habitables vers l’Occident sont relativement
proches. Si nous suivons Marin de Tyr, il y a entre Cypango et Lisbonne 69
degrés. Encore moins si nous partons de Madère ou des Açores. Voilà pourquoi,
nobles seigneurs, je me propose d’équiper une flotte et de traverser la mer
Océane en me dirigeant vers l’ouest, jusqu’à ce que j’atteigne Cypango et
soumette cette île à l’autorité de notre monarque bien aimé, Dom Joao II.
Ce que je demande, c’est que la Couronne me fournisse ces navires et les moyens
de recruter leurs équipages. C’est une dépense qui n’excédera pas celles qui se
font habituellement pour envoyer des bateaux à la côte de Guinée, ainsi que je
l’ai pu très exactement calculer.
    Tel est, nobles seigneurs, le plan que je soumets à votre
sagesse. Puissiez-vous me permettre de le réaliser pour la plus grande gloire
du Portugal et de son souverain. Pour prix de mes efforts, je ne demande qu’une
chose : être armé chevalier comme l’ont été jadis bon nombre de mes aïeux.
     
    Cristovao se tut, regardant ceux qu’il appelait secrètement
ses « juges ». José Vizinho se tenait droit, perdu dans ses pensées,
assez attentif cependant pour s’assurer d’un bref coup d’œil qu’un secrétaire
avait pris exacte copie de ce qui venait d’être dit.
    Rodrigo, lui, contemplait Cristovao d’un air

Weitere Kostenlose Bücher