Christophe Colomb : le voyageur de l'infini
de Toscanelli.
Cristovao pâlit puis se reprit :
— J’ai écrit à Toscanelli par l’intermédiaire de votre
ami Meshoullam de Volterra. Questionnez-le à ce sujet, il vous dira qu’il lui a
bien remis ma missive et que son destinataire l’a chargé d’un message pour moi.
Aux dires de mon frère Bartolomeo, c’est un homme à l’accent italien qui a
porté ces documents à notre boutique alors que nous étions à La Mine. Je suis
sûr que c’était Meshoullam. Et, si cela ne suffisait pas, vous n’avez qu’à
interroger Toscanelli. Il ne manquera pas de vous écrire.
José Vizinho ricana :
— Vous semblez ignorer qu’il n’est plus de ce monde.
— Je peux jurer sur les Saintes Écritures qu’il m’a bel
et bien apporté ses encouragements.
— Vous êtes décidément un maniaque du serment. Dois-je
vous rappeler que ces mêmes Écritures affirment que « Tu n’invoqueras pas
en vain le nom de l’Éternel » ?
L’évêque de Ceuta intervint :
— C’est un point sur lequel je suis en désaccord avec
mestre José. Il va de soi que je suis prêt à ajouter crédit à vos dires si vous
les répétez sous la foi du serment, en sachant qu’un parjure vous exposerait à
la damnation. J’incline à penser – vous voyez que je ne suis pas mal
disposé à votre égard – que Toscanelli estimait possible votre expédition.
Cristovao se sentit triompher :
— Que monseigneur recueille sur-le-champ mon
serment !
— Tout doux, mon ami, répliqua l’évêque. Une autre
difficulté se présente et, celle-là, un serment ne la pourra résoudre. Nous
n’ignorons pas que, dans le passé, certains navires se sont perdus au large de
Madère ou des Açores après avoir été entraînés vers l’ouest. Aucun, je dis bien
aucun, n’est revenu. C’est la preuve que votre expédition est vouée à l’échec.
Vous ne trouverez jamais les vents pour le retour et vous périrez comme les
autres.
— Je suis sûr de parvenir à Cypango.
— Disposeriez-vous de certitudes à ce sujet ?
— J’en ai la conviction.
— Vous ne répondez pas à ma question. Êtes-vous prêt à
jurer sur la sainte croix que vous avez l’assurance, fondée sur des faits
tangibles et avérés, de pouvoir ramener à Lisbonne les navires qui vous
seraient confiés ?
— Sur ma foi et sur mon honneur, ce serait me parjurer
que de prêter un tel serment. Je suis bon Chrétien et je ne veux pas
compromettre mon salut. Je sais toutefois, je ne puis dévoiler comment, que ces
vents existent et que je les trouverai.
José Vizinho tonna :
— Il suffit ! Vous avez largement eu le temps
d’expliciter votre projet et de répondre à nos objections. Nous vous ferons
connaître notre décision et elle sera sans appel car elle aura été au préalable
ratifiée par le roi.
Trois semaines plus tard, Cristovao fut à nouveau appelé à
la Maison de La Mine. À sa grande surprise, seul l’évêque de Ceuta se trouvait
là. Sans prendre la peine de lui expliquer pourquoi les autres étaient absents,
Diogo Ortiz de Vilhegas soupira :
— J’ai de mauvaises nouvelles à vous annoncer. Au terme
de longues discussions, nous avons décidé, et le roi l’a approuvé, qu’il n’était
pas dans l’intérêt de la Couronne de vous confier des navires pour vous rendre
à Cypango. Ce serait dépenser des sommes folles en vain. Nous avons repris vos
calculs et nous estimons qu’ils sont inexacts. Cypango est bien plus loin de
Lisbonne que vous ne le pensez et il n’y a aucune garantie que des vents
permettent le voyage de retour. Nous préférons donc faire confiance à Diogo Cao
qui nous assure que, sous peu, ses capitaines parviendront à l’extrémité de
l’Afrique et contourneront celle-ci. Il est inutile de rien ajouter. C’est une
décision sans appel. Vous n’obtiendrez pas vos bateaux.
Cristovao se prit la tête entre les mains comme s’il était
écrasé par ce verdict auquel il ne s’attendait pas.
— Vous privez le Portugal de richesses infinies par
crainte de perdre un ou deux navires.
— Tout au contraire, nous lui épargnons des dépenses
inconsidérées et nous évitons à de braves marins de connaître une fin horrible.
— Que vais-je faire maintenant ? Vous me portez un
coup terrible en brisant toutes mes espérances. Quand la nouvelle sera connue
en ville, plus personne ne voudra employer un capitaine qui a essuyé une telle
rebuffade.
— Nul n’en saura rien, du
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