Chronique de mon erreur judiciaire
encore le projet de nous marier, mais je l’aimais et ne pouvais concevoir ma vie sans elle. Nous avons, dès lors, convenu de célébrer nos fiançailles en décidant à l’avance qu’elles n’étaient pas une promesse de mariage mais une sorte de déclaration commune et officielle de notre passion. Notre jeune couple nageait dans l’allégresse, juste préoccupé par la perspective de devoir s’assumer comme tel. De quoi allions-nous bien vivre ? Car quand j’ai connu Odile, elle préparait un bac en sciences sanitaires et sociales dans l’espoir d’entreprendre des études d’infirmière. De mon côté, après avoir redoublé ma deuxième année de droit, j’ai commencé des études de criminologie, où je me suis enflammé pour le droit pénal et ses différentes composantes : criminologie, pénologie, psychiatrie criminelle, science pénitentiaire, médecine légale… J’avais trouvé ma voie : devenir professeur de faculté.
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Après la licence, j’ambitionnais de préparer une maîtrise de sciences criminelles à la faculté de droit de Montpellier, tout en suivant les cours dispensés par l’institut de criminologie, espérant entreprendre par la suite un DEA à Paris, puis un doctorat en droit pénal et en sciences criminologiques. Mon premier vœu s’est réalisé : après avoir été chargé de travaux dirigés à Boulogne-sur-Mer dans le cadre de la licence, je suis devenu chargé de cours en DESS de droit des affaires et des nouvelles technologies. Tout en préparant, à la faculté de Lille, un mémoire en criminologie consacré à « la protection de l’huissier de justice dans le cadre de ses fonctions ».
Pourquoi ne suis-je pas finalement devenu professeur ? La réponse se trouve en toutes lettres sur le faire-part de naissance de Thomas : « Mon papa et ma maman ont croqué la pomme et il leur est arrivé un pépin : moi. » Eh oui ! Odile était tombée enceinte et comme nos convictions nous interdisaient l’avortement (sauf pour motifs médicaux), nous avons choisi de garder l’enfant. Odile, à l’époque, entrait en deuxième année à l’école d’infirmière tandis que j’avais à peine décroché ma licence en droit : comment, dans ces conditions, assumer une famille ? Il nous fallait changer de cap. Et, là, nos parents respectifs nous ont aidés à franchir le pas en souhaitant notre mariage. Dans leur esprit, un couple non-marié, avec un enfant, ne se concevait pas. Aujourd’hui, si j’admets que cette union fut quelque peu dictée par les lois de l’urgence, je n’ai aucun regret ni remords dans ce choix.
Ce problème réglé, en survint un autre : sans emploi ni l’un ni l’autre, comment vivre ? Abandonnant ma future carrière de professeur des universités, sacrifiant mon doctorat, j’annulai mon projet montpelliérain pour me mettre en quête d’un job. L’amour, pour la première fois de ma vie, l’emportait sur le reste, y compris sur l’essentiel. Car si l’importance d’un choix de carrière, aussi grand soit-il, s’incline parfois devant une femme qui vous appelle « chéri », il disparaît complètement aux premiers mots d’un enfant qui vous surnomme « papa ».
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Faisant feu de tout bois, j’ai d’abord passé un entretien dans une grande société d’assurances où, après avoir subi une batterie de tests, je fus accepté. Je n’oublierai d’ailleurs jamais la magie de cette simple phrase : « Votre candidature a été retenue, vous avez le V de la vente, monsieur. » Le V de la victoire, si cher aux alliés durant la Seconde Guerre mondiale, ouvrait ce jour-là ses ailes pour moi ; mais étais-je vraiment formaté pour ce poste ? Toujours désireux d’assurer une liberté de choix, je postulai dans la foulée à un poste dans la fonction publique pour devenir assistant technique des métiers, sorte de conseil chargé d’aider les artisans. Je fus là aussi retenu, mais rapidement refroidi par les faibles perspectives de promotion. Finalement, une troisième opportunité emporta mon adhésion : assister un huissier, devenir clerc stagiaire, et suivre les cours à l’École nationale de Procédure, durant deux ans, en vue d’obtenir l’examen professionnel d’huissier de justice.
Si Odile empocha son diplôme d’infirmière brillamment et trouva aisément un emploi, de mon côté, ce fut plus compliqué. Les huissiers étant officiers ministériels, leur nombre est soumis à un numerus
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