Chronique de mon erreur judiciaire
L’éducation de mon fils aîné, Thomas, commençait d’ailleurs à en pâtir, et on parlait de lui à l’école comme d’un enfant à surveiller. Mais, malgré ces légers accrocs, tout me paraissait plutôt positif.
Ce fut pourtant à ce moment que le destin vint frapper à ma porte, très tôt, le matin. À 6 h 30, pour être précis. Au son de « Police, ouvrez ! », un jeune juge fit son entrée dans ma vie comme une tornade folle. En l’espace de quelques minutes, un commissaire de police et quinze de ses hommes prirent possession de ma maison, réveillant femme et enfants, fouillant à tout-va, laissant entendre qu’ils étaient mandatés pour cela. Leur motif ? « Vous êtes mis en examen pour viol sur mineur, monsieur. » Cette phrase, qui résonne encore en moi comme un tremblement de terre, me laissa sans voix et j’assistai, impuissant, à la perquisition de mon domicile. Un parfum d’irréel plana bientôt au-dessus de toute cette agitation policière. Pour faire face à la brutalité des méthodes employées, je décidai d’appeler au plus vite un avocat. « Ils vont vite comprendre qu’il s’agit d’une erreur ! » me dis-je. Mauvais pronostic, hélas ! Je découvris en effet, effaré, au fil des minutes, qu’une tierce personne nous avait faussement accusés. D’un coup, nous sombrions, ma femme et moi, dans le drame d’un film à la Alfred Hitchcock, et devenions les jouets d’une machination infernale et mystérieuse. Qui se cachait derrière tout cela ? Et au nom de quoi me soupçonnait-on de pareils crimes ?
D’après les gros titres de la presse, ce fameux 14 novembre 2001, les autorités venaient de procéder à une nouvelle vague d’arrestations d’un réseau pédophile international, prétendument situé entre la France et la Belgique. Quelques mois auparavant, à en croire les articles, plusieurs enfants avaient été abusés sexuellement, notamment par six notables de la région… dont ma femme et moi ! Trois prévenus me désignaient même à la vindicte publique, se répandant contre moi en déclarations tonitruantes qui allaient me vouer aux assises de Saint-Omer. Mais si leurs avocats m’étaient familiers, grâce à mon métier, je ne connaissais, en revanche, aucun d’entre eux. Il y avait une certaine Myriam Badaoui, un dénommé David Delplanque et une autre femme appelée Aurélie Grenon. Leurs aveux allaient transformer mon existence jusqu’alors paisible en un cauchemar insoutenable.
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À la première de ces prévenus, j’adresserai en guise de préambule de cet ouvrage un message tout particulier que l’on voudra bien me pardonner. Je voudrais en effet tirer un grand coup de chapeau à Myriam Badaoui, épouse Delay, pour la prouesse qu’elle a réalisée dans son rôle d’« accusée-accusatrice » au cours de cette affaire. Cette femme, on le sait aujourd’hui, a brisé mon existence à coups de mensonges répétés avec, vraisemblablement, l’espoir de minimiser sa propre responsabilité dans les viols réitérés de ses enfants et… on l’a crue !
En nous impliquant, moi et quelques autres, dans ce sinistre dossier, elle a tenté de rendre moins isolés ses actes odieux. L’affaire d’Outreau, à cause de ses « aveux » intempestifs, est devenue le procès d’un « réseau » qui n’existait pas, soutenue dans cette perspective par un juge d’instruction qui se montra plus clément avec elle qu’avec nous.
Alors, encore bravo, Myriam ! Pour le coup, si je n’avais pas tant souffert de vos coupables délations, triste accusatrice, moi, Alain Marécaux, je rédigerais mon histoire sur un ton bien plus badin. Mais votre irruption dans mon quotidien a meurtri et détruit ma vie avec une telle violence que je n’ai pas le cœur à rire de tout cela. Je salue la détermination dont vous avez fait preuve dans cette immense machinerie, l’énergie herculéenne que vous avez déployée pour mettre dans votre poche le gratin policier et judiciaire de la région Nord-Pas-de-Calais, mais j’ai toujours des haut-le-cœur en pensant au calvaire enduré à cause de tant de mensonges.
Un calvaire qui m’a fait connaître l’humiliation, le délitement de ma famille, la prison, la perte de mes biens, des moments de dépression absolue, un procès éprouvant devant les assises, une tentative de suicide et une incroyable condamnation – craignait-on de déjuger des hommes de loi ? – à du sursis, dont j’ai fait
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