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Chronique de mon erreur judiciaire

Chronique de mon erreur judiciaire

Titel: Chronique de mon erreur judiciaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Marécaux
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personnage que je n’aurais évidemment jamais, en d’autres circonstances, croisé dans ma vie : Pierre Chanal ! Ma rencontre avec ce tueur présumé à l’hôpital-prison de Fresnes intervint alors même que je me croyais au plus près de la fin. Tandis qu’il attendait son procès et que j’espérais une bouffée d’air dans un dossier qui m’étouffait, nous nous livrâmes à un étonnant échange de confidences. Des confidences d’autant plus importantes pour lui que je fus son dernier contact, puisqu’il mourut quelques semaines plus tard. Si j’avais pu savoir que ma disparition n’était pas au rendez-vous, j’aurais vraisemblablement refusé, ce jour-là, de l’écouter. Certains secrets, il faut bien l’avouer, se montrent fort lourds à porter. À tel point que je me trouve aujourd’hui embarrassé du poids de ses ultimes révélations. Je n’avais rien à faire en prison, lui y trouvait sa place, mais nous aurions tout aussi bien pu ne rien avoir à nous dire. Sans le destin, la malchance, je n’aurais même pas dû partager sa cellule.
    *
    Il faut bien dire ici que mon parcours ne me prédestinait en rien à croupir en prison. Entre une existence paisible, un métier honnête et l’abîme de l’opprobre, la frontière est parfois très proche. Un simple coup de dé du hasard, aidé par la malchance, la malveillance, l’acharnement de la machine judiciaire et une vie bien tranquille bascule dans l’horreur. En effet, il aura suffi d’une série d’accusations mensongères proférées par une mythomane, Myriam Badaoui, pour téléporter mon existence vers les enfers.
    Avant l’explosion de ce que l’on a coutume d’appeler « l’affaire d’Outreau », j’ai connu une vie de travail et d’ambition, comme beaucoup d’autres. Une vie simple, en somme, banale presque, mais bousculée malgré moi. Je suis né en 1964 et ma scolarité a été celle d’un élève moyen jusqu’à mon entrée en seconde, date à laquelle j’ai ressenti une espèce de « déclic ».
    Inscrit dans un lycée professionnel pour préparer un bac technique, je me suis dit que si cette orientation n’était pas pour me déplaire, ma curiosité de jeune adolescent pouvait s’épanouir autrement. La perspective d’un bac classique me parut alors préférable, parce que j’allais pouvoir y conserver toute la liberté de mes choix. Je redoublai donc d’efforts pour décrocher un bac « littéraire et économique », comprenant dès lors que le travail se montrait indissociable du succès, et même qu’il le précédait. Depuis, je n’ai jamais cessé de bosser, jusqu’à en faire même un véritable mode de vie qui me permettait de diriger mon existence à mon gré. Si bien que, peu à peu, tout fut subordonné chez moi au travail. Mes loisirs, mes parents, mes futures petites amies compteraient, bien sûr, mais je m’étais juré que jamais ils n’empiéteraient sur ma volonté d’arriver et de m’épanouir par l’étude et le labeur. Je ne savais toutefois pas précisément ce que j’allais faire de ma vie. Ma foi protestante prenant une grande place dans mon existence, j’ai un moment envisagé de suivre des cours de théologie, mais mes parents s’y opposèrent. Ces études coûtaient cher et eux-mêmes n’étaient pas forcément convaincus de mes dispositions d’homme de foi. La nécessité, plus qu’autre chose, voulut donc que je m’inscrive en faculté de droit à Lille, à la grande fierté de mes parents.
    *
    Parallèlement – et paradoxalement – ma vie privée franchit un nouveau palier lors d’une communion ayant eu lieu juste avant les épreuves du bac, où j’avais rencontré une jeune femme se prénommant Odile. À la fin de cette fête, je lui avais benoîtement lâché du haut de mes dix-huit ans : « Salut, à la prochaine, peut-être…», sans savoir que le destin allait nous précipiter dans les bras l’un de l’autre puisque, quelques semaines plus tard, elle me fit parvenir un courrier où elle m’avouait sa flamme. Ayant ressenti un coup de foudre, elle désirait me revoir. Hélas, moi, ce n’était pas mon cas puisque mon cœur vagabondait alors ailleurs, et il fallut attendre une rupture pour que je me décide à prendre le téléphone. Lorsque je décrochai le combiné, j’ignorais donc que j’appelais, plus léger qu’un moineau, ma future femme.
    Très vite, je ne tardai pas, à mon tour, à tomber amoureux. Odile et moi n’avions pas

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