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Chronique d'un chateau hante

Chronique d'un chateau hante

Titel: Chronique d'un chateau hante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Magnan
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alternaient avec des éclaircies soudaines, où les caprices des pluies
au creuset de la terre obscure composaient une sorte de ciel arrêté dans sa
course, lequel s’était pétrifié pour créer une image cristallisée sans
mouvement. Ces volutes en spirale figuraient un ciel d’orage composé de
marbrures soudain éclaircies par d’incompréhensibles plages de lumière où le
soleil était près de paraître, alors que ce bois se trouvait de toute éternité
dans l’obscurité de la terre, loin de toute source de clarté. Ces volutes
s’étendaient à la surface des montants, au chevet, au pied droit, sur les
rouleaux qui l’enjolivaient.
    Quand le
marquis s’étant exclamé devant ce travail avait demandé comment il avait pu le
concevoir et le mener à bien, l’artisan avait mis le doigt en travers de ses
lèvres et avait répondu :
    — La
patience.
    Pendant
que le château se construisait, Gersande était devenue une femme de quarante ans
comme les Grecs en avaient toujours rêvé en leur statuaire. Les dix ans qu’elle
avait pris, loin de la gâter, l’avaient dépouillée de toute ingénuité et elle
était aussi provocante que la plus rouée des courtisanes. Le jour où elle vint
pour la première fois habiter la chambre de Gaussan où le lit avait été dressé
pour elle, ses femmes la baignèrent et la parfumèrent comme au soir d’un
sacrifice. Elle resplendissait d’opulence contenue. Ses yeux étaient immenses
et l’on pouvait se perdre dans leur clarté où l’expression était éparse et sans
but précis.
    Elle mit
un doigt sur ses lèvres et dit à Maria, la veuve de Pallio, qui était devenue
sa femme d’alcôve :
    — Ce
soir, ce sera mes secondes noces !
    — Soyez
heureux, dit-elle à Palamède dès que fut soufflée la chandelle. Je n’ai plus
mes menstrues ! Vous pouvez user de moi comme vous l’entendez. C’est cela
que je voulais vous annoncer ! N’êtes-vous pas heureux ?
    Elle
mentait hardiment. Se fiant à Dieu aveuglément pour la suite de son destin.
    Elle
s’élargit voluptueusement sur lui, autour de sa verge, jusqu’à ce que
l’intérieur de sa vulve à la charnière de son puits d’amour fût bien installé,
avec précaution pour ne pas provoquer chez Palamède un paroxysme prématuré et
sans gêne aucune afin de goûter la sensation si délicate de leurs poils
électrisés par le désir.
    Ce désir,
depuis si longtemps qu’ils le refrénaient, leur commandait de rester immobiles,
les yeux grands ouverts à se contempler.
    — Venez
vite, mon homme ! Je n’aime que vous !
    La
marquise fît cet aveu dans un souffle.
    — Je
suis donc aimé de Dieu ! dit Palamède, et il le pensait.
    Ce fut
dans cette situation qu’au matin Chérubin les découvrit. Il était venu
triomphant et sans appréhension assister à ce premier réveil des châtelains en
leur château. Il pensait les trouver dans le parc au milieu de ces berceaux de
verdure qui commençaient à dessiner leur perspective, buvant leur café en
devisant tranquillement. Le parc était désert. Sur la pièce d’eau les cygnes
essayaient d’attraper de menues larves en s’ébrouant. Au lointain du vide des
appartements en enfilade une étrange mélopée semblait descendre de l’étage.
Toutes les portes, toutes les fenêtres étaient grandes ouvertes. Rien n’était
sec, ni les peintures des rinceaux ni les enduits des corridors. Tout cela
respirait cette odeur d’amande amère que la chaux vive exhalait.
    De son
pas élastique de jeune homme, Chérubin gravit rapidement le grand escalier.
Là-haut aussi tout était béant. L’étrange mélopée, tantôt véhémente, tantôt en
sourdine, troublait seule le silence. Par la haute porte à deux battants
largement écartés, la vision fut brutale, constante, explicite : la
marquise de dos besognait tant qu’elle pouvait Palamède à sa merci avec sa
demi-jambe bien visible.
    C’est
foudroyant pour un amant de voir sa maîtresse faire joyeusement l’amour avec
son propre mari. Jamais ni Palamède ni Gersande n’eurent conscience de cette
présence, et Chérubin accroché au chambranle put se repaître du spectacle tout
son saoul, n’en croyant pas ses yeux que des gens qui faisaient l’amour
ensemble depuis plus de vingt ans puissent encore y trouver tant d’attrait.
    À force
de les contempler s’aimer, il finit par comprendre que ces deux-là jouissaient
d’une grâce qui lui était refusée, qu’il n’avait pas reçue en

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