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Chronique d'un chateau hante

Chronique d'un chateau hante

Titel: Chronique d'un chateau hante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Magnan
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forcé que, déterrées avec les
pierres qui avaient servi à exhausser le château, elles revinssent au monde
pour se faire reconnaître. Les moniales de Sainte-Claire martyrisées frôlaient
les murs des grands corridors en une plainte discrète que seules les âmes
sensibles pouvaient ouïr, mais au contact de Gaussan toutes les âmes devenaient
sensibles. C’était une présence apeurée et sans ostentation. Elle ne dépassa
jamais cet ample glissement qu’on aurait pu prendre pour un courant d’air si le
moindre souffle de vent avait au-dehors agité les feuillages des arbres.
C’était le défilé discret d’une procession interminable, laquelle cessait
brusquement comme si l’angle d’un corridor l’avait dérobée à la perception des
hommes.
    — Tout
le monde le sait ! Tout le monde vous le dira !
    Déjà, en
dépit du froissement imperceptible qui continuait à se faire entendre
doucereusement, les pauvres femmes reprenaient leur labeur, se répandaient à
genoux, se traînant à gestes larges de leurs serpillières qui effaçaient les
dernières traces des souillures laissées par les travaux.
    Pendant
ce temps s’étaient tus les soupirs à l’étage de la marquise enfin repue et qui
devait s’être assoupie dans le berceau divin des bras de Palamède, protecteurs,
tendres, formant berceau contre toutes les embûches de la vie.
    Des cris
joyeux d’enfants montaient sous les fenêtres et Chérubin lassé, l’âme en
lambeaux, écoutait maintenant en vain le silence que les pauvres femmes de Mane
continuaient à croire peuplé, mais il n’avait pas le cœur à s’occuper des
grands mystères du monde.
    Il avait
son propre désarroi à gouverner. Il se demandait avec inquiétude s’il allait
pouvoir maîtriser son chagrin car il avait en commande un autre château du côté
de Rives-de-Giers et il avait besoin de garder l’esprit clair.
    Il erra
ainsi solitaire parmi les salles et les corridors et toutes les dépendances de
Gaussan. Son orgueil ne parvenait pas à reprendre le dessus. Notamment, il
médita jusqu’à ce que les caméristes vinssent faire le lit dans la chambre où
les draps témoignaient des bonheurs qu’ils avaient abrités et qu’il était bien
difficile à Chérubin de ne pas s’exagérer. Palamède et Gersande avaient regagné
Montlouis. La nuit venait.
    La nuit
venait ? Mais non ! Au grêle clocher de Mane venaient de sonner
quatre heures et l’on n’était que le 20 septembre. Pourquoi cette ombre
incongrue qui obscurcissait les grandes croisées ?
    Alors
Chérubin put constater que c’était l’arbre qui obombrait déjà la façade bien
qu’il restât encore deux heures de lumière jusqu’au couchant à l’horizon. Le
soleil disparaissait au houppier du chêne. De son feuillage doré, lorsque ce
serait l’automne, il pèserait de son ombre sur les quatre mois d’hiver. Il
rendrait impossible, par les fenêtres des chambres, la contemplation des iscles
d’or que dessinait à profusion le soleil en son interminable déclin.
    C’était
le deuxième coup du sort qui atteignait Chérubin après la certitude que dans
les bras de son mari la marquise l’avait facilement oublié.
    Depuis
quatre ans qu’il passait devant ce chêne avec indifférence, alors qu’à son abri
il avait fait l’amour pour la première fois dans les bras de Gersande
compatissante, l’arbre avait encore crû, en hauteur, en noblesse et en
condescendance.
    — Monseigneur,
avait dit Chérubin à Palamède, lors de leur première rencontre. Votre arbre
fait de l’ombre à mon château. Si vous m’en croyez, nous le couperons.
    Le
marquis frappa son bureau d’un coup de poing à le briser en deux. Cet homme
doux de caractère et ordinairement bénin était hors de lui. Son visage poupin
quelque peu cramoisi était devenu d’une pâleur mortelle.
    — Si
vous faites une chose pareille, je vous tue de ma main ! proféra-t-il.
    Lorsque
cette altercation se produisit en le cabinet du marquis, les frères de Pallio,
Lorenzoni et Gazzaladre, étaient occupés dans une embrasse à finir de mastiquer
les vitres d’une fenêtre. Ils faisaient ça sous l’abri d’une toile de jute où
ils étaient invisibles.
    — Monseigneur !
murmura Chérubin. Je pense que votre seigneurie s’oublie !
    Derechef
Palamède assena son poing sur la table.
    — Je
ne m’oublie pas du tout ! Je vous répète que, si par malheur vous abattez
cet arbre, je vous tue de ma main !
    Personne
ne

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