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Chronique d'un chateau hante

Chronique d'un chateau hante

Titel: Chronique d'un chateau hante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Magnan
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formel. Un soldat doit avoir l’usage de tous ses membres
et de toutes ses phalanges sinon il est sans défense devant l’ennemi.
    — Mais
vous pouvez me verser dans l’artillerie ! Dans la cavalerie ! Et je
tire aussi l’épée !
    Le maire
secoua la tête.
    — J’applique
le règlement, dit-il.
    Et au
scribe qui inscrivait les noms, il lança :
    — Réformé !
    Palamède,
revenant au château à pied, se frappa le front à le casser contre les arbres de
la route. Au dixième, il avait le nez en compote et il saignait. Il s’arrêta
suffoqué par la morve et pleurant, sur le pont de la Laye. De grosses larmes
coulaient sur ses joues tuméfiées. Il regardait l’eau claire sans la voir.
Alors, soudain, il distingua brisé par les reflets du courant le visage flou
d’une fille à cheval. Elle était arrivée sans bruit à côté de lui et la monture
en renâclant avait attiré l’attention de Palamède.
    — Vous
pleurez ? dit la fille.
    — On
m’a réformé ! renifla Palamède.
    Il était
prêt, tant il était jeune, à prendre toutes les femmes pour des mères
consolatrices.
    — Réformé !
s’exclama la fille. Mais vous devriez sauter de joie. Pourquoi vous a-t-on
réformé ?
    — Pour
ça ! dit Palamède en levant son index sectionné.
    Elle
éclata de rire.
    — Pour
ça ! Mais ça ne vous empêche de rien !
    — Si,
de tirer !
    — Pauvre
petit ! dit la fille.
    Elle
n’était pas plus âgée que lui. Elle avait déjà remarqué la stature du garçon,
son nez impérieux quoiqu’il fût en lambeaux et ses yeux bleus.
    Elle mit
pied à terre pour enrêner le cheval à un arbre voisin. Elle prit Palamède par
la main et l’entraîna jusqu’au bord du ruisseau. Elle entreprit de lui laver la
figure à grande eau.
    — Là !
Vous aurez les idées plus claires !
    — Je
suis Palamède de Gaussan, dit le garçon dès qu’il put parler. Je vous remercie
mais ça ne m’empêche pas de vouloir me tuer !
    L’idée
fixe, visible dans son regard, l’empêchait d’admirer la fille bien plantée
qu’il avait devant lui et qui n’avait qu’une envie : lui faire oublier la
guerre si attrayante aux yeux du jouvenceau.
    Ils
escaladèrent le talus jusqu’à la route, l’une tirant l’autre par le poignet.
Elle était robuste, râblée.
    — Montez
en croupe, dit-elle. Il faut vous refaire un peu. Si votre mère vous voit ainsi,
elle va s’évanouir. Moi je suis Christine d’Ardantes ! Accrochez-vous à
moi !
    Le cheval
frémissant était un étalon qu’elle mit au galop. Palamède ne pouvait rien faire
d’autre que de se cramponner à la cavalière et il ne pouvait pas non plus
ignorer la souplesse lascive de son corps, effleurant à peine la selle, bien
campée sur les étriers, image de la jeune vie en pleine possession de sa forme
physique. L’allure était rapide, même en ouvrant les mains toutes grandes
Palamède ne pouvait pas se cramponner aux hanches de sa compagne tant elles
étaient amples. Il ne pouvait plus penser qu’à garder l’équilibre.
    Alors
tandis que les muscles de Christine se mouvementaient sous ses doigts, une
étrange sensation si souvent ressentie en ses nuits solitaires s’empara de lui.
Le passé était oublié. Sa tête lui faisait encore mal des coups qu’il s’était
donnés mais il n’en avait cure. L’avenir était entre ses mains. Il avait
transformé leur étreinte pour se cramponner en caresse pour s’enivrer. Il
goûtait cet instant et cette vibration ayant effacé ce qui précédait dans sa
vie.
    Il était
tout honteux en descendant de cheval que son émotion transparût sous la culotte
serrée qui épousait la forme de son corps. Christine coula un bref regard en
biais sur ce phénomène.
    — Venez !
dit-elle. Mes parents sont en visite chez leurs cousins Sabran à Ansouis. Je
suis seule au logis !
    Le logis
était ce manoir que Palamède avait pu voir toute son enfance depuis Gaussan.
C’était rehaussée sur un tertre une demeure carrée aux multiples fenêtres.
Derrière elle, racontant l’histoire en une rumeur égale, une lourde draperie de
cèdres chuchotait sous le vent.
    — Venez !
Venez ! dit Christine.
    Elle
était pleine de hâte. Elle enrêna son cheval à l’anneau du seuil et donna un
coup de derrière à la porte qui coinçait.
    Cette
maison avait une odeur identique à celle de Gaussan et rassurait tout de suite
par sa simplicité.
    Christine
disparut à l’étage. Palamède resta seul

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