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Chronique d'un chateau hante

Chronique d'un chateau hante

Titel: Chronique d'un chateau hante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Magnan
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Écritures.
    J’ai
été contraint de confier ce vestige inestimable aux bienheureuses épouses de
NS, les conventuelles de Sainte-Claire à Gaussan, territoire de Mane .
    Ce
transfert s’est effectué sous la contrainte de la peste qui ne désarmait pas et
pour soustraire la sainte relique au pillage prévisible par le malheur des
temps.
    Mon
successeur devra, muni de la présente, se faire restituer cette œuvre
inestimable par nos sœurs les religieuses de Sainte-Claire.
    Dans
le cas où celles-ci ne s’y résoudraient pas il conviendrait d’autoriser les
donats à nous faire rendre justice ferro et igni. Ceci est une volonté posthume
obligatoire à mon successeur pour le bien et la gloire de Tordre.
    Guillaume de Venteyrol
     
    — Qu’est-ce
donc qu’un donat ? me demanda Aigremoine quand j’eus refermé le document.
    — Ce
sont des laïcs à qui le grand maître avait accordé la demi-croix. En un mot
c’étaient les soldats de l’ordre.
    — Des
soldats ! pour un ordre religieux ! s’exclama Aigremoine.
    — Oui,
ma chère. À cette époque le pouvoir ne s’était pas encore décanté entre les
deux ordres.
    Elle
était en train de déficeler un carton volumineux mais qui ne pesait presque
rien. Je posai ma main sur la sienne.
    — Avez-vous
déjà inventorié ces vieilleries, ma chère ?
    — Non.
Pourquoi ? Mon père en avait dressé la liste et m’a montré l’endroit où
elles se trouvaient. Une sorte de débarras qu’on n’ouvrait jamais. Il a dû en
chercher la clé pendant deux jours pour me mettre au courant.
    — Et
jamais vous n’avez eu la curiosité ?
    — Non ?
Pour quoi faire ? Ma vie me suffisait.
    Ma
formidable intuition (je tiens ça de ma mère) me fit écarter doucement
Aigremoine du carton et ce fut moi qui l’ouvris, dissimulant le contenu.
J’avais raison de craindre. Le carton ouvert révélait, éblouissant à la lumière
du jour, un crâne ivoirin en parfait état. C’était celui d’un homme jeune. Il
avait encore toutes ses dents. Des lambeaux de soie de velours le coiffaient et
le rendaient comique. Il était intact.
    À grand
regret, je le dévoilai à Aigremoine. Elle le découvrit sans ciller avec le plus
grand calme. Cette vision concrète de la mort ne lui tira pas un rictus de
crainte.
    Elle
considéra simplement le memento mori avec plus d’attention qu’il ne
convenait, se plaisant à contempler cet ancien vivant, m’arrêtant même la main
car je voulus tout de suite refermer le carton.
    Les
quatre tablettes de bois où étaient esquissées à la hâte les quatre scènes aux
flambeaux, révélaient qu’un transport avait bien eu lieu et que c’étaient bien
des religieuses qui y étaient attelées. Ces quatre dessins amplifiaient
l’énigme plus qu’ils ne l’éclairaient, d’autant qu’ils avaient souffert des
outrages du temps et qu’il fallait en imaginer les sujets plutôt que les
interpréter. Quant aux lambeaux de l’étendard qu’elle m’avait déployé sur le
sol, j’étais bien incapable d’en deviner la nature car il était mangé des rats,
et seule la hampe et la pique rouillée qui l’armait suggéraient qu’il
s’agissait d’un drapeau.
    Tout ce
qu’on pouvait déduire de ces restes, c’était qu’ils attestaient ce que le
cartulaire déclarait en latin : le couvent détruit par les protestants
avait reçu dans sa crypte testimonium quod infirmare non podest Sanctorum
Scripturarum fidei. « Une preuve irréfutable de la véracité des
Saintes Écritures. »
    Tout en
refermant le carton énigmatique, je murmurai à part moi :
    — Donc
une vivante preuve de l’existence de Dieu…
    — Allons,
mon cher ! dit Aigremoine entre haut et bas.
    Elle me
prit la main et me sourit avec indulgence comme on fait aux enfants qui
déparlent.
    Il ne
nous restait plus grand-chose à inventorier. C’était, en vrac, toutes les
épures que l’architecte avait conservées de son travail : une grosse
brassée de rouleaux difficiles à maîtriser. Dans les plis, parmi ces rouleaux,
une lettre était restée coincée qui glissa et tomba au sol. Je m’en emparai et
voulus la lire. Aigremoine me l’arracha des mains.
    Elle
demeurait rêveuse et ne parlait plus. Son bref commentaire à mes paroles
imprudentes prouvait bien le peu de foi qui l’animait et combien les épreuves
traversées l’avaient détachée de la religion de ses pères.
    — Pourtant…,
dit-elle soudain.
    Elle se
tut aussitôt après ce mot

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