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Chronique d'un chateau hante

Chronique d'un chateau hante

Titel: Chronique d'un chateau hante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Magnan
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refroidirent
ensemble, le peintre de génie et la moniale anonyme et il était dommage que
l’artiste n’ait pu croquer cet étrange mariage posthume.
    C’était
la troisième des huit mortes qui ouvraient sur le ciel leurs yeux étonnés où le
brasillement des étoiles clignotait encore pour quelques secondes.
    Et quant
aux quatre donats jetés aux trousses des filles de Sainte-Claire, les consuls
n’avaient pu obtenir des habitants de Manosque pour leur cavalcade que des
happelourdes qui supportaient mal le poids de cavaliers armés. Elles se
distancèrent les unes des autres tout au long du col de la Mort-d’Imbert.
    Le
premier donat qui l’atteignit vit la lumière des flambeaux plantés dans le sol
par les deux religieuses avant de mourir sans avoir pu rejoindre leurs
compagnes. À côté d’elles, inerte et les bras en croix, reposait le gonfalonier
de Mantoue richement chaperonné de soie cramoisie et la tête au ciel.
    Les
ordres du bailli étaient donnés sauf la peste. Or la peste avait d’autres
ordres à prescrire et venant de plus haut.
    La mort
travaillait à grande lame et fauchait sans préférence ni discernement. Le
moine-soldat regarda stupidement les deux sœurs mortes. Il regarda sans
comprendre le gonfalonier chamarré de son chaperon aux armes de Mantoue. Il fut
pris de vertige, se retint à sa lance, s’empala sur celle-ci en s’écroulant. Le
cheval soulagé tourna bride et revint vers Manosque et son écurie.
    Des trois
autres moines-soldats, deux encore tombèrent en route, vidèrent les étriers,
l’un mourut, l’autre réchappa mais sa monture à lui aussi était depuis
longtemps revenue à Manosque et il dut piteusement rentrer au château à pied.
    Il ne
resta qu’un seul donat, certain et résolu qui regarda avec indifférence tous
ces cadavres semés en chemin. Il avait reçu un ordre, il marchait vers son
accomplissement.
    Les
nonnes étaient au pied du col. Elles n’étaient plus que vingt-deux. Les huit
qui manquaient avaient été les plus robustes. La peste agissait souvent
ainsi : c’étaient les individus les plus solides qu’elle abattait de
préférence, comme si le tri qu’elle pratiquait relevait d’une volonté
intelligente.
    C’était
la partie la plus harassante du parcours. Depuis la combe sous Dauphin où se
glissait le Largue, la plaine de Mane commençait à s’élever lentement, plate
mais inclinée. Elle était biffée d’un chemin interminable au bout duquel
commençait le plateau d’Haurifeuille où se dressait l’orgueilleuse tour de
Porchères, citadelle des Baudoin de Provenchères.
    Le
couvent était niché dans le repli d’un vallon, trapu et bas, confondu avec la
couleur de la terre : le clocher se voyait de loin. Les sœurs avaient les
yeux fixés sur lui avec espoir. C’était leur bien, c’était leur maison, à son
ombre et dans ses murs elles seraient enfin à l’abri. Accrochées à leur
harnais, elles chantaient leur antienne d’une voix rauque qui n’avait cependant
pas faibli.
    Ici, dans
cette plaine à peine ressuyée de la mer qui l’occupait autrefois, les paysans,
sous un seigneur bénin, étaient riches et égoïstes. Sans doute, au hasard des
chemins qui parfois traversaient les fermes entre les granges et les écuries,
perçurent-ils dans la nuit les pas pressés et maintenant traînants des moniales
qui halaient leur calvaire et n’étaient plus que vingt-deux attelées au char
grinçant qui gémissait de tous ses essieux rouillés ; sans doute
perçurent-ils le désespoir de leur antienne mais celle-ci ne faisait que
passer. Sitôt qu’elle s’éloignait on pouvait s’abandonner au sommeil ou se
serrer dans la peur qui scellait les couples et les faisait se blottir
étroitement dans ces beaux lits qui ne protégeaient plus de rien.
    Quand
elles descendirent vers la crypte du couvent, les moniales n’étaient plus que
dix-huit et dans l’ombre, qui suivait leur théorie, il n’y avait plus qu’un
seul donat. Celui-ci pénétra à cheval dans la crypte derrière les sœurs et
surgit devant elles comme l’ange de la mort. La lance et l’épée entrèrent en
action, alors que les converses venaient à peine de décrocher leur harnais.
    Certaines
déjà portaient la main aux liens car elles voulaient savoir tout de suite ce
qui se cachait sous cette bâche bleue et qui leur avait donné tant de peine à
traîner durant tout le parcours. Leur serment, prononcé devant le seigneur de
Manosque, elles le

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