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Chronique d'un chateau hante

Chronique d'un chateau hante

Titel: Chronique d'un chateau hante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Magnan
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une boue que le soleil séchait rapidement et qui se
fragmentait déjà pour finir en poussière, Aigremoine ne resta qu’un instant,
prétendant avoir froid.
    Je
demeurai seul en présence de l’énigme, lisant et relisant le cartulaire et de
temps à autre consultant les tablettes que j’avais aussi emportées et qui ne
témoignaient que d’un transport par les nonnes d’un objet mystérieux masqué par
une bâche bleue. J’avais aussi, pour témoigner, la lettre du marquis Pons de
Gaussan à sa fille, lui ordonnant de regagner le château pour veiller sur ce
trésor inconnu.
    À n’en
pas douter, je me trouvais devant les restes de ce trésor. Par-ci par-là,
d’étranges lambeaux parsemaient les décombres, où parfois le soleil révélait un
reste mort de couleur bleue. Et au fur et à mesure que j’observai mieux, je
finis par distinguer dans le moule de la boue séchée une protubérance qui me
parut suspecte. En me penchant beaucoup, armé d’un bâton avec quoi je sondais
le sol, je finis par amener à la surface un crâne aux orbites comblées de boue
compacte. C’était le memento mon d’un homme jeune. Sa mâchoire était
encore intacte, sauf une molaire qui avait dû sauter bien avant la mort. À ses
côtés, la boue séchée était lisse. À l’aide du bâton, je grattai la pellicule.
Elle recouvrait un corps entier encore revêtu d’un habit blanc n’ayant presque
pas souffert ni non plus les manchettes de dentelle qui disparurent, soufflées,
lorsque je tentai de les soulever. Une lame de poignard qui ne formait plus
qu’un tas de rouille tenait debout dans le squelette, compactée par la masse
oblongue de la rouille et d’où dépassait le manche d’ivoire corrompu par la
terre alentour.
    Au fur et
à mesure que le soleil montait et devenait brûlant (j’étais toujours fasciné
par ma découverte), je voyais se dessiner à travers les tentacules des racines
le filigrane d’un objet digéré par le chêne.
    L’arbre
avait eu raison du témoignage que les hommes lui avaient confié quand il
n’était encore qu’un soliveau. En six cents ans d’existence, il l’avait d’abord
épousé, encerclé dans ses racines tentaculaires, puis cette présence importune
avait commencé à le gêner et il l’avait assimilée en lui jusqu’à la déformer,
peser sur toute sa surface, modifiant son aspect d’origine à force de siècles
d’étouffement. Maintenant, sauf ces quadriges de bronze trop coriaces pour être
anéantis, le filigrane final n’était plus discernable que par lambeaux.
L’ensemble avait été métamorphosé en une masse informe, piteuse, qui n’évoquait
plus rien qu’une ruine vaincue.
    J’étais
seul, face à cette énigme mais je relisais sans cesse la formule latine : Testimonium quod infirmari non podest Sanctorum Scripturarum fidei.
    L’espoir
naissait en moi. Si je pouvais reconstituer ce témoignage éclatant et le rendre
éclatant comme la vérité absolue aux yeux d’Aigremoine, peut-être
réussirais-je à lui faire partager une espérance qui soit au-delà de la vie.
C’était l’unique moteur qui me faisait agir et je n’étais pas loin de croire
qu’une providence quelconque m’était venue en aide en déracinant mon arbre pour
révéler ces vestiges. Je me souvenais d’une sentence que répétait ma mère (car
si elle ne croyait pas à l’Evangile, en revanche, les paroles de celui-ci étaient
son pain quotidien), ces préceptes-là s’ancrent dans la tête des enfants et
leur servent de béquilles chaque fois que la vie devient insurmontable. Ma mère
donc répétait. « Ceux qui s’efforcent, disent les anges, nous pouvons les
sauver. » Je ne me souciais pas d’être sauvé moi-même mais qu’Aigremoine
soit sauvée de sa peur.
    Or ce que
je voulais entreprendre, reconstituer l’objet qu’autrefois dom Venteyrol avait
prétendu qu’il constituait une preuve de l’éternité, était au-dessus des forces
d’un seul homme et soudain je m’écriai :
    — Paul
Tempier !
    Cet ami
d’enfance avait toujours eu une passion pour l’inutile. Nous nous étions élevés
ensemble. À neuf ans, il m’avait sauvé la vie au Moulin de la Dame où
j’escaladais la roue à aubes, immobile depuis cent ans que le moulin ne servait
plus et qui soudain s’était mise en mouvement, me précipitant vers le bief. Le
Paul s’était arc-bouté contre le frein et il avait immobilisé les aubes.
    Nous
étions inséparables. Lui était large

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