Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Chronique d'un chateau hante

Chronique d'un chateau hante

Titel: Chronique d'un chateau hante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Magnan
Vom Netzwerk:
qui
brûlait au porche des églises, aucun signe de vie n’animait les villages. La
peur claquemurait chacun chez soi. Il y avait moins de cent ans que la peste,
la famine et les bandes de l’archevêque avaient sévi et on n’en était pas
encore ressuyé.
    Maître
Arnaud se soutint péniblement sur ses vieux reins. Il marcha vers la porte en
boitillant un peu. Il y avait longtemps qu’il ne se barricadait plus. Il avait
pris l’habitude de se fier à Dieu seul. Et si quelqu’un, fût-ce en
l’assassinant, avait pu faire cesser les lancinantes douleurs qui l’empêchaient
de penser, il croyait bien qu’il aurait dit merci.
    L’huis
entrebâillé fut violemment repoussé. Le chambranle était obstrué par un homme
de six pieds de haut et de deux de large. Il portait un sac dans sa main droite,
une cognée dans sa main gauche que lui seul sans doute était capable d’assener
et son épaule était chargée d’un rouleau bien serré dans un étui mais dont
dépassait une pique rouillée qui avait dû être fort menaçante.
    — Je
suis le Trancheton, annonça-t-il bruyamment.
    — Et
moi le Mèche. Et alors ?
    — Et
alors j’ai trouvé ça ! Regarde un peu ce que c’est ! Tu dois savoir
toi, puisque tu penses ! Et comme tu passes pour alchimiste, moi, j’ai
pensé…
    Il avait
déposé sa hache sur le seuil, mis debout contre le mur le rouleau à la pique,
et il déversa sans façon le contenu du sac au beau milieu de la table. Il s’en
échappa une planchette rutilante de couleur, un crâne camouflé sous des
feuilles mortes et coiffé, encore intact, d’un riche chaperon cramoisi qui n’avait
pas souffert.
    — Voilà !
dit le colosse. Voilà ce que j’ai trouvé en rabaillant !
    — Tu
es bûcheron ?
    — Non,
dit Trancheton. Je suis abatteur d’arbres mais ça c’est pour mon plaisir. Je
suis rabailleur. Tu sais depuis les gueux, la peste, les bandes de l’archevêque
et les sauterelles, toutes sortes de choses sont à rabailler dans les ruines
des maisons ! Je les ramasse, je les mets un peu propres, je les vends.
Tiens, par exemple, cette planchette ! Je l’ai trouvée au pied des ruines
du moulin Jansselin, sur la lande d’Haurifeuille !
    — Malheur !
Tu t’es approché du moulin Jansselin. Tu sais qu’il portait malchance !
    — Je
sais pas, dit le colosse. J’ai trouvé ça !
    — Tu
savais que ce meunier faisait chanter le vent des morts ! Il n’y en avait
que deux qui réussissaient ça ! Quand on entendait ce chant on n’en avait
plus pour longtemps. On passait au large ! On se bouchait les
oreilles ! « C’est le vent », disait le meunier. Mais c’était
toujours pour quelqu’un qui lui avait fait quelque tort. Oh, presque rien !
Il était ombrageux comme un cheval de rencontre ! Il suffisait de regarder
sa femme un peu longtemps et tout de suite on entendait les ailes du moulin qui
sifflaient la chanson des morts !
    — C’était
quoi, cette chanson ?
    — Je
sais pas ! Par la grâce de Dieu je l’ai jamais entendue ! Y en avait
que deux qui réussissaient ce prodige ! Le Jansselin justement et celui du
Contadour, un Redortier, mais lui, il faisait payer les voyageurs quand ils
passaient. « Si vous voulez pas entendre chanter le vent des morts, il
leur disait, vous avez que de me glisser la pièce ! »
    Le
colosse ouvrait des yeux immenses.
    — J’ai
trouvé ça ! répéta-t-il.
    Sa main
énorme désignait les objets épars autour de lui.
    — Au
moulin du Jansselin ! grommela le Mèche.
    — Oh
mais pas que là ! La tête c’est au bord du ruisseau Gaudissart, la pique
c’est contre les murs d’une pounchudo , tu sais, ces tas de pierres que
les bergers se faisaient avant pour passer le temps. À côté il y avait le
squelette d’un homme.
    — Puis
encore ! s’exclama le Mèche.
    — Oui.
Oh, tu sais, quand on espinche on en trouve un peu partout de ces ossements. Ma
grand-mère me racontait : y a eu la peste et puis après, tu comprends,
entre les sauterelles et la bande de l’archevêque, on a tous eu autre chose à
faire qu’à les ramasser ! Alors, les squelettes on vit avec eux !
    — Je
sais bien, dit le Mèche tristement.
    À la
lueur de la chandelle, il était en train de considérer la planchette que le
colosse avait déversée sur la table, à côté du crâne enchaperonné.
    — C’est
une planche peinte, dit-il, et celui qui a fait ça c’est pas le premier
venu !
    — Ça
je sais pas, dit

Weitere Kostenlose Bücher