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Chronique d'un chateau hante

Chronique d'un chateau hante

Titel: Chronique d'un chateau hante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Magnan
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n’eurent pas le loisir d’en
demander raison à Celui qui les inspirait. Ils s’aimèrent instantanément.
    Mais
l’esprit n’est jamais le théâtre d’une seule émotion, ni d’un seul sentiment ni
d’un seul besoin. Le drame, c’est qu’une péripétie ne souffre qu’une seule
décision et que ses conséquences sont irrémédiables.
    Comme
seul recours contre le temps qui passait, le commandeur tira de ses manches le
parchemin ouvert qu’il tendit à l’abbesse.
    — Tenez,
lisez ! dit-il.
    Elle
saisit avidement le document, ce qui lui permit d’interrompre la contemplation
de l’autre. Elle lui passa devant. Le charme de leur regard fut dépris par la
banalité de l’instant. L’abbesse s’arrêta de marcher dès les premiers mots de
cette lettre. Ils disaient, ces mots :
     
    Il
n’est pas d’usage en notre institution, qu’un commandeur donne des instructions
à son successeur, lequel est désigné par notre Saint-Père le pape et donc
inspiré uniquement par le Saint-Esprit.
    Si je
déroge, c’est pressé par la nécessité. Ma vie est menacée comme celle de tous
mes frères et de tous les Manoscains.
    J’ai
été contraint de me séparer d’un trésor spirituel, rapporté jadis de Jérusalem
par nos frères dont nous sommes les héritiers et qui constitue la preuve
irréfutable de la vérité absolue des Saintes Ecritures .
    J’ai
été contraint de le confier aux bienheureuses épouses du Seigneur, les
conventuelles de Sainte-Claire, à Gaussan, territoire de Mane.
    Ce
transfert s’est effectué sous la contrainte de la peste qui ne désarmait pas et
pour soustraire le Saint Objet au pillage prévisible par le malheur des temps.
    Mon
successeur devra, muni de la présente, se faire restituer cette œuvre
inestimable par nos sœurs les religieuses de Sainte-Claire.
    Dans
le cas où celles-ci ne s’y résoudraient pas, il conviendrait d’autoriser les
donats à nous faire rendre justice ferro et igni. C’est une volonté posthume
pour le bien et la gloire de l’ordre .
    Guillaume de Venteyrol .
     
    Le sceau
de cire qui se balançait à l’extrémité de ce testament n’était pas celui des
Hospitaliers. Il représentait de face un chevalier du Temple blasonné en son
armure de croisé, tel qu’il avait été autrefois arraché sur un crémât de
l’ordre, lors de leur ignition. Toute l’épître était écrite en bas latin,
langue que la prieure avait apprise dès l’enfance.
    Depuis
qu’elle avait commencé à lire la lettre testament du commandeur, Ermerande
n’était dans son for intérieur qu’un long refus. Elle fit deux pas plus vite
que Savornin pour se retrouver placée face à lui.
    — Comment
voulez-vous, dit-elle, que je vous restitue de gaieté de cœur une vivante
preuve de la réalité des Saintes Ecritures ?
    Ils se
dévoraient des yeux. Leurs paroles étaient un camouflage de chasseur pour
prendre leur âme au piège.
    — Croyez-vous,
dit-elle, que nous ayons eu le loisir de nous inquiéter de bagatelles ? À
notre retour de Manosque ? Oui ! J’étais l’une de ces filles qui
traînaient le chariot ! J’avais treize ans ! J’ai vu mourir
vingt-trois de mes sœurs. Six encore sont tombées, éventrées par vos
donats ! Notre enclos regorge de tombes. Elles gémissent la nuit sous les
plaintes de la terre qui fermente ! Qui se soulève ! Qui se voit maintenant
par-dessus les murs, tant elle a gonflé !
    Elle
énumérait ces abominations dans l’espoir que leur horreur confirmât encore sa
soumission au Christ et qu’ainsi tomberait de son âme la convoitise admirative
que son vis-à-vis lui inspirait.
    — Et
maintenant nous avons la famine !
    Elle
levait les bras au ciel comme pour l’attester.
    — Entre
le temps de la peste et celui des sauterelles, nous n’avons même pas pu
reconstituer nos réserves.
    Le
commandeur branla du chef pour approuver.
    — Nous
savons, dit-il, que vos converses meurent d’inanition. Chez nous aussi,
hélas !
    Il fit un
silence.
    — Néanmoins,
reprit-il, notre ordre possède encore dans ses greniers quelques sacs de blé,
pour, le cas échéant, être l’ultime monnaie d’échange de nos cruelles
nécessités. Nous pourrions, puisque ce cas échoit, vous en céder deux ou trois
sacs.
    Ce
jouvenceau était l’ancêtre des grands prometteurs de l’Histoire. Il jouait sur
le peu de connaissance du monde que la prieure possédait. Il était sûr qu’elle
n’avait pas pris acte du fait

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