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Chronique d'un chateau hante

Chronique d'un chateau hante

Titel: Chronique d'un chateau hante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Magnan
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côté de lui.
    C’était
sa femme, la Clairance, qui venait de se lever en pleine nuit. Elle poussa un
cri d’horreur.
    — Qu’est-ce
que c’est ? Un crâne ?
    — Oui.
C’est un qui me l’a apporté tout à l’heure. Il m’a laissé ça !
    Il
désigna la planchette peinte.
    — Tu
n’as pas acheté au moins ?
    — Non
tu penses, il me les a donnés. Mais l’oriflamme là, elle est encore
bonne ! On pourra la mettre devant la porte de la chambre comme tenture
pour couper le vent.
    — Tu
te figures pas que je vais supporter cette tête en face de moi, non ?
    — Ne
crie pas comme ça ! Tu vas réveiller le petit !
    — Tu
penses, à dix ans ! Il dort sur le ventre.
    — D’abord,
dit le Mèche, j’ai pas laissé éteindre l’athanor, je l’ai assoupi ! Je
t’ai répété cent fois qu’à de certains moments il fallait l’attiédir !
    Ce
Nicolas Arnaud, dit le Mèche, il avait affranchi de bonne heure sa dizaine de
serfs et il leur faisait la charité car il s’était aperçu que, sauf à ne rien
prélever sur leurs maigres récoltes et à ne pas les astreindre à la corvée,
leur misère demeurait profonde.
    Lui-même
habitait une maison dans les bois avec une femme et un enfant de dix ans,
vivant d’une basse-cour dont il fermait chaque soir la clenche avec soin ;
de deux chèvres pour le lait mais aussi d’un jardin bien tenu que fournissait
en eau un canal que le Mèche avait creusé de ses mains jusqu’à une citerne dans
le roc.
    Il
subsistait petitement d’un don qu’il avait reçu à sa naissance. Il avait le
privilège de voir l’avenir. D’abord ça avait fait rire tout le monde et puis,
de quelques prédictions qui s’étaient avérées, il avait gagné une certaine
réputation. On venait de loin le consulter. Un prélat, quelque jour, débarqua sans
crier gare, froissant sa robe aux épines des ronciers autour de la maison. Il
avait fait subir au Mèche un interrogatoire sévère afin de s’assurer qu’il
était bien-sentant de la foi. À la fin, il lui fit baiser son anneau. Pendant
cet exercice, en observant la main du dignitaire à la dérobée, le Mèche
s’aperçut à ses lignes que la Parque était sur le point de trancher le fil du
destin de cet opulent personnage. Il n’était naturellement pas question de le
lui faire savoir, aussi mourut-il sans être averti, sur les chemins malaisés où
il regagnait l’évêché de Digne. Sa désobligeante se renversa et il fut écrasé
par le poids du cheval qui roula dans le fossé.
    Depuis le
Mèche se méfiait de lui-même et il ne prédisait que d’heureux événements, car
le bûcher qui brûlait les sorciers ne refroidissait jamais.
    Quand
vous avez mesuré l’univers approximativement mais d’un seul coup d’œil, une
bonne fois pour toutes, votre propre importance comme celle d’autrui vous
paraît comique et l’étonnement devant quoi que ce soit ne vous préoccupe plus.
Longtemps, le Mèche avait refusé de voir le ciel, vivant tête basse, prosterné
sur la glèbe, mais une nuit qu’il était sorti pour pisser, une étoile filante
qui fulgurait l’avait forcé à lever la tête. Longtemps, toutes les nuits, il
avait épié le firmament, avait médité devant lui et finalement s’en était
accommodé. Il se disait que celui qui n’a regardé le ciel que de jour sous la
lumière miséricordieuse du soleil masquant l’éternelle nuit, celui-là ne
pouvait avoir une vue bien exacte de ce qu’était la vie. Il avait fait silence,
naturellement, sur cette réflexion saugrenue mais le ciel, la nuit, était
devenu son compagnon bien-aimé.
    Tel jour,
en un certain endroit, il avait rencontré un homme habillé en moine qui lui
avait dit s’appeler Nicolas Flamel. Le Mèche était très jeune alors, l’inconnu
était très vieux. Il avait le visage en abîme sous l’aumusse et les yeux très
enfoncés mais très brillants. Il dit plus tard, le Mèche, que ce visage lui
avait paru éclairé de l’intérieur. En tout cas, l’inconnu lui demanda son
chemin. Il cherchait un lieu perdu entre deux vallons où on lui avait dit qu’un
saint avait vécu.
    — Une
doline, avait-il précisé. Une grotte, si tu veux !
    — Saint
Donat ! s’était exclamé le Mèche. Je ne sais pas ce que c’est qu’une
doline mais il y a une chapelle toute neuve qui lui est consacrée. Je sais où
elle est. Si vous voulez, je peux vous y conduire. Je n’ai rien à faire.
    Et c’est
en chemin qu’ils se

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