Claude, empereur malgré lui
inaptitude à gouverner et son royaume proclamé province romaine – était Ponce Pilate, l’un de ses créanciers. Hérode ne désirait pas se retirer définitivement à Édom – ce n’était pas un amoureux du désert – et il avait fort peu de chance d’être bien accueilli en Égypte par la grande colonie juive d’Alexandrie. Les Juifs d’Alexandrie se montrent très stricts dans leurs observances religieuses, plus stricts encore si c’est possible que leurs frères de Jérusalem, et Hérode à force d’avoir vécu à Rome, avait contracté de fâcheuses habitudes en particulier sur le chapitre de la nourriture. Moïse, le législateur du peuple hébreu, a interdit aux Juifs, pour des raisons d’hygiène, ai-je cru comprendre, de consommer toute une série de viandes ordinaires : non seulement le porc – on peut trouver à redire au porc, peut-être – mais aussi le lièvre et le lapin, ou d’autres viandes parfaitement saines. Et les animaux qu’ils peuvent manger doivent être tués d’une certaine façon. Le canard sauvage abattu d’un coup de fronde, le chapon dont on a tordu le cou, le gibier abattu à l’arc, leur sont interdits. Tout animal servi à leur repas doit avoir été égorgé et saigné à mort. Ils doivent par ailleurs observer un repos absolu tous les sept jours ; les serviteurs eux-mêmes dans la maison n’ont le droit d’accomplir aucune tâche, pas même faire la cuisine ou alimenter le fourneau. Et parfois, en commémoration d’infortunes anciennes, ils observent une journée de deuil national souvent en contraste brutal avec les festivités romaines. Il avait été impossible à Hérode pendant qu’il vivait à Rome de se montrer en même temps un Juif de stricte obédience et un représentant apprécié de la haute société ; il avait donc préféré encourir le mépris des Juifs plutôt que celui des Romains. Il décida de ne pas tenter sa chance à Alexandrie ou de perdre davantage son temps au Proche-Orient, où chaque porte lui semblait fermée. Ou bien il trouverait refuge à Parthie, où le roi l’accueillerait volontiers comme un auxiliaire précieux dans ses desseins contre la province romaine de Syrie, ou bien il retournerait à Rome et se mettrait sous la protection de ma mère : peut-être réussirait-il à dissiper le malentendu qui l’opposait à Flaccus. Devant la perspective d’une rupture totale avec son passé, il renonça à se rendre à Parthie ; il croyait davantage à la puissance de Rome qu’à celle de Parthie ; en outre, il eût été imprudent d’essayer de traverser l’Euphrate – séparant la Syrie de l’empire parthe – sans argent pour acheter les gardes - frontières, qui avaient pour consigne de ne laisser passer aucun réfugié politique. Il finit donc par choisir Rome.
Y arriva-t-il sans encombre ? Vous allez en juger. Il n’avait même pas suffisamment d’argent sur lui pour payer son passage en mer – il avait vécu à crédit à Antioche et sur un grand pied ; et bien qu’Aristobule lui eût offert le prix du voyage jusqu’à Rhodes, il avait refusé de s’humilier en l’acceptant. En outre, il ne pouvait prendre le risque de retenir une place sur un vaisseau descendant l’Oronte, de crainte d’être arrêté aux escales par ses créanciers. Il songea soudain à un homme dont il pourrait peut-être obtenir quelque numéraire, un ancien esclave de sa mère qu’elle avait légué par testament à ma mère Antonia et que celle-ci avait libéré et installé comme meunier à Acre, ville côtière un peu au sud de Tyr : il lui versait une partie de ses gains et ses affaires étaient assez prospères. Mais le territoire des Sidoniens séparait Hérode d’Acre et comme, en fait, il avait accepté un présent aussi bien des Sidoniens que des Damascènes, il ne pouvait prendre le risque de tomber entre leurs mains. Il envoya donc un de ses affranchis, dont il était sûr, emprunter de l’argent à ce meunier d’Acre et s’enfuit lui-même d’Antioche sous un déguisement, se dirigeant vers l’est, la seule direction que nul ne s’attendait à lui voir prendre, échappant ainsi aux poursuites. Une fois dans le désert de Syrie, il fit un vaste détour en direction du sud, sur un chameau volé, évita Basan, la tétrarchie de son oncle Philippe, et Pétra (ou, comme certains l’appellent, Giléad, ce fertile territoire transjordanien sur lequel son oncle Antipas régnait
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