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Claude, empereur malgré lui

Claude, empereur malgré lui

Titel: Claude, empereur malgré lui Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Graves
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les frais qu’ils avaient engagés pour soudoyer Messaline  – et la cité s’agitait plus qu’elle ne l’avait jamais fait depuis l’hiver de la famine. La foule, dans les rues, vociférait sur mon passage et je ne vis d’autre solution que d’élever une grande estrade sur le Champ-de-Mars et, avec l’aide d’un capitaine des gardes à la voix puissante, de fixer, pour les douze mois à venir, les prix des produits affectés par la crise. Je m’étais basé sur les tarifs de l’année précédente, pour autant du moins que j’avais pu obtenir des chiffres précis   ; bien entendu, je vis arriver au palais tous les marchands possesseurs d’un monopole pour me supplier de modifier ma décision en ce qui concernait leur situation personnelle, parce qu’ils étaient pauvres, que leur famille allait être réduite à la mendicité, qu’ils allaient mourir de faim, et autres balivernes. Je leur dis que s’ils n’étaient pas capables d’aligner leurs monopoles sur les nouveaux tarifs, ils pouvaient toujours céder la place à d’autres commerçants appliquant de meilleures méthodes. Puis je leur enjoignis de se retirer sur-le-champ, avant d’être accusés par mes soins de «   faire la guerre à l’État   » et d’être précipités du haut de la roche Tarpéienne. Ils ravalèrent leurs protestations mais s’efforcèrent de me battre sur mon propre terrain en retirant tous ensemble leurs marchandises du marché. Cependant, dès que je fus mis au fait des plaintes concernant certaines catégories de produits –  par exemple, du poisson mariné importé de Macédoine ou des potions médicinales de Crète  – qui n’atteignaient pas Rome en quantité suffisante, j’ajoutai une nouvelle firme à celles qui se partageaient déjà le monopole.
    J’accordais toujours la plus grande attention au ravitaillement de la cité. Je donnai des instructions au régisseur de mes propriétés italiennes pour consacrer le plus de terre possible à la culture de légumes destinés au marché romain, en particulier choux, oignons, laitues, endives, poireaux, céleris et autres légumes d’hiver. Xénophon, mon médecin, me dit que les fréquentes épidémies qui se déclaraient dans les quartiers les plus pauvres de Rome durant les mois d’hiver étaient dues en grande partie à une carence en légumes. J’exigeai un approvisionnement abondant, exposé chaque jour avant l’aube et vendu aux prix les plus bas possible. J’encourageai également l’élevage des porcs, de la volaille et du bétail   ; un an ou deux plus tard, j’obtins du sénat des privilèges spéciaux pour les bouchers et les marchands de vin de la cité. Certains sénateurs s’opposèrent à ces subventions. Eux-mêmes recevaient leur ravitaillement de leurs propres domaines et ne s’intéressaient pas à la subsistance du peuple. «   Eau fraîche, pain, haricots, bouillie de légumes secs, chou suffisent amplement aux ouvriers, dit Asiaticus. Pourquoi les gorger de vin et de viande de boucherie   ?   » Je m’élevai contre l’inhumanité d’Asiaticus et lui demandai s’il préférait l’eau froide au vin de Chio, ou le chou aux rôtis de venaison. Il me répondit que, depuis sa plus tendre enfance, son alimentation avait été riche et qu’il estimait tout à fait impossible d’en changer pour une nourriture plus simple, mais que dans le cas contraire il serait sans nul doute plus résistant et qu’il était mauvais d’encourager les pauvres à se nourrir au-dessus de leurs moyens.
    —  J’en appelle à vous, messieurs, protestai-je, frémissant de déplaisir, qui donc est capable de vivre dans la dignité sans pouvoir manger de temps en temps un peu de viande   ?
    L’assemblée parut s’amuser de ce propos. J’étais d’un autre avis. Et la même réaction se manifesta à la fin du même débat, lorsque j’abordai le sujet des marchands de vin.
    —  Ils ont besoin d’encouragement, dis-je. On a constaté une diminution singulière du nombre des débits de boissons au cours de ces cinq dernières années   ; je parle de maisons honnêtes, non de ces mauvais lieux que j’ai fait fermer, où l’on vendait des viandes cuites aussi bien que du vin… et quel vin   ! Un breuvage innommable, la plupart du temps traité aux sels de plomb, sans parler d’un bordel dont les pensionnaires étaient toutes malades, avec des dessins pornographiques étalés sur le mur. Voyons, il y a cinq ans, à moins

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