Comment le jeune et ambitieux Einstein s'est approprié la Relativité restreinte de Poincaré
du principe de
relativité à tous les phénomènes physiques, c’est admettre la nécessité de
trouver une nouvelle transformation, généralisant celle de Galilée, qui
permette de rendre invariantes les équations de Maxwell. C’est cette nouvelle
transformation que Poincaré va chercher et trouver, et qu’il publiera en 1905 [Po3].
Poincaré entrevoit l’avènement d’une nouvelle mécanique
Peut-être a-t-il déjà trouvé, à l’époque de sa conférence à
Saint-Louis, cette fameuse transformation car on en déduit aisément une nouvelle
formule d’addition des vitesses, généralisant celle de Galilée, et montrant que
la vitesse de la lumière est une vitesse limite qu’on ne peut dépasser. Or
Poincaré conclut sa conférence en prévoyant l’avènement d’une nouvelle
mécanique, qui sera appelée par la suite mécanique relativiste :
Peut-être aussi devons-nous construire toute une
Mécanique nouvelle que nous ne faisons qu’entrevoir, où, l’inertie croissant
avec la vitesse, la vitesse de la lumière deviendrait une limite infranchissable.
La Mécanique vulgaire, plus simple, resterait une première approximation puisqu’‘
elle serait vraie pour les vitesses qui ne seraient pas très grandes, de sorte
qu’on retrouverait encore l’ancienne Dynamique sous la nouvelle. Nous n’aurions
pas à regretter d’avoir cru aux principes, et même, comme les vitesses trop
grandes pour les anciennes formules ne seraient jamais qu’exceptionnelles, le
plus sûr dans la pratique serait encore défaire comme si l’on continuait à y
croire.
On remarque que Poincaré, en conséquence de son principe de
relativité, n’hésite pas à considérer que la nouvelle transformation qui
rendrait invariantes les équations de Maxwell doit aussi s’appliquer à une
Mécanique qui serait nécessairement nouvelle, puisque la mécanique classique
vérifie la relativité galiléenne. Poincaré a sans doute déjà établi quelques
formules de cette Mécanique, et plus particulièrement la nouvelle loi de
composition des vitesses, car il va bientôt les utiliser dans son article de
juin 1905 [Po3].
La mesure du temps est une convention
La recherche d’une transformation rendant invariantes les
lois de l’électromagnétisme va nécessiter de longues réflexions de la part de
Poincaré sur la notion de temps et de sa mesure. Dès l’année 1898, Poincaré
publie une première série de réflexions qu’il intitule La mesure du temps [Po4].
Existe-t-il une vraie mesure du temps ?
Dans son article de 1898, Poincaré insiste sur l’aspect
conventionnel de toutes les mesures du temps. Après avoir montré que le temps
défini par les astronomes souffre d’imperfections, il conclut :
Si nous supposons maintenant que l’on adopte une autre
manière de mesurer le temps, les expériences sur lesquelles est fondée la loi
de Newton n’en conserveraient pas moins le même sens. Seulement l’énoncé de la
loi serait différent, parce qu’il serait traduit dans un autre langage ; il
serait évidemment beaucoup moins simple.
De sorte que la définition implicitement adoptée par les
astronomes peut se résumer ainsi :
Le temps doit être défini de telle façon que les
équations de la mécanique soient aussi simples que possible.
En d’autres termes, il n’y a pas une manière de mesurer
le temps qui soit plus vraie qu’une autre ; celle qui est
généralement adoptée est seulement plus commode.
De deux horloges, nous n’avons pas le droit de dire que l’une
marche bien et que l’autre marche mal ; nous pouvons dire seulement qu’on
a avantage à s’en rapporter aux indications de la première.
L’utilisation que nous faisons des horloges nous semble
pourtant la plus rationnelle possible. Les heures sont censées être toutes
égales. Les horloges sont, en principe, réglées entre elles de façon à être
toutes toujours à la même heure.
Il existe cependant des conventions sur certaines mesures de
temps qui montrent bien l’adaptation de cette mesure de façon à la rendre plus
commode. C’est en particulier l’année qui est mesurée en nombre de jours, et
ces derniers sont bien des mesures de temps. Mais le calendrier grégorien varie
tous les quatre ans, en février, et il faut faire quelques exceptions séculaires
pour que la mesure du temps soit la plus commode possible et s’adapte à la
réalité astronomique. Avant le pape Grégoire XIII, le
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