Comment le jeune et ambitieux Einstein s'est approprié la Relativité restreinte de Poincaré
calendrier julien avait
lentement dérivé de trois jours en quatre siècles par rapport aux saisons. L’année
grégorienne ayant encore une dérive de trois jours en environ dix mille ans, nos
descendants auront un petit problème à régler dans l’avenir.
Poincaré termine son article en insistant sur le
conventionnalisme de la mesure du temps :
Il convient de conclure. Nous n’avons pas l’intuition
directe de la simultanéité, pas plus que celle de l’égalité de deux durées. Si
nous croyons avoir cette intuition, c’est une illusion. Nous y suppléons à l’aide
de certaines règles que nous appliquons presque toujours sans nous en rendre
compte. Mais quelle est la nature de ces règles ?
Pas de règle générale, pas de règle rigoureuse ; une
multitude de petites règles applicables à chaque cas particulier. Ces règles ne
s’imposent pas à nous et on pourrait s’amuser à en inventer d’autres ; cependant
on ne saurait s’en écarter sans compliquer beaucoup l’énoncé des lois de la
physique, de la mécanique, de l’astronomie.
Nous choisissons donc ces règles, non parce qu’elles sont
vraies, mais parce qu’elles sont les plus commodes, et nous pourrions les
résumer en disant :
La simultanéité de deux événements, ou l’ordre de leur
succession, l’égalité de deux durées, doivent être définies de telle sorte que
l’énoncé des lois naturelles soit aussi simple que possible. En d’autres termes,
toutes ces règles, toutes ces définitions ne sont que le fruit d’un
opportunisme inconscient.
Quelle heure est-il loin de chez soi ?
Le problème de la mesure simultanée du temps dans différents
lieux terrestres est également abordé dans l’article de 1898. Poincaré s’interroge
sur les techniques nécessaires pour réaliser des mesures de simultanéité :
Quand les marins ou les géographes déterminent une
longitude, ils ont précisément à résoudre le problème qui nous occupe ; ils
doivent, sans être à Paris, calculer l’heure de Paris. Comment s’y prennent-ils ?
Ou bien ils emportent un chronomètre réglé à Paris. Le
problème qualitatif de la simultanéité est ramené au problème quantitatif de la
mesure du temps. Je n’ai pas à revenir sur les difficultés relatives à ce
dernier problème, puisque j’y ai longuement insisté plus haut.
Ou bien ils observent un phénomène astronomique tel qu’une
éclipse de Lune et ils admettent que ce phénomène est aperçu simultanément de
tous les points du globe. Cela n’est pas tout à fait Vrai, puisque la propagation
de la lumière n’est pas instantanée ; si on voulait une exactitude absolue,
il y aurait une correction à faire d’après une règle compliquée.
Origine de l’idée de la synchronisation rigoureuse des
horloges
Poincaré continue sa réflexion sur les différentes manières
de mesurer la simultanéité de deux événements éloignés l’un de l’autre :
Ou bien enfin ils se servent du télégraphe ; il est
clair d’abord que la réception du signal à Berlin, par exemple, est postérieure
à l’expédition de ce même signal de Paris. C’est la règle de la cause et de l’effet
analysée plus haut.
C’est l’idée de synchronisation des horloges à l’aide d’un
phénomène électromagnétique. Mais Poincaré précise la définition d’une
synchronisation rigoureuse et exacte des horloges :
Mais postérieure de combien ? En général, on néglige
la durée de la transmission et on regarde les deux événements comme simultanés.
Mais, pour être rigoureux, il faudrait encore une petite correction par un
calcul compliqué ; on ne la fait pas dans la pratique, parce qu’elle
serait beaucoup plus faible que les erreurs d’observation ; sa nécessité
théorique n’en subsiste pas moins à notre point de vue, qui est celui d’une
définition rigoureuse.
Poincaré montre déjà dans cet article que la mesure du temps
en deux points éloignés, dans un même référentiel, doit théoriquement être liée
à celle de la vitesse d’un phénomène électromagnétique, dont la vitesse est
égale à celle de la lumière. C’est dans son article de 1904 [Pol] qu’il va
préciser ce point en donnant une définition de là synchronisation des horloges
grâce à un signal lumineux.
La mesure de la vitesse de la lumière nécessite un
postulat
L’utilisation de la vitesse de la lumière, ou d’un signal
électromagnétique, pour
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