Comment le jeune et ambitieux Einstein s'est approprié la Relativité restreinte de Poincaré
postulats sur lesquels est fondée la théorie relativiste dans sa
formulation la plus moderne [H14] et que nous reverrons au cours du dernier
chapitre de cet ouvrage.
Les postulats de Poincaré
En premier lieu, c’est l’énoncé du principe de relativité « d’après lequel les lois doivent être les mêmes » pour tous les
observateurs en mouvement uniforme les uns par rapport aux autres.
Viennent ensuite les deux postulats sur les propriétés de
l’espace. L’espace est « homogène, c’est-à-dire que tous ses points
sont identiques entre eux ». De plus, l’espace est « isotrope, c’est-à-dire
que toutes les droites qui passent par un même point sont identiques entre
elles ». Cette propriété signifie que, après rotation d’un référentiel
dans l’espace, les lois physiques restent équivalentes à celles énoncées dans
le référentiel d’origine.
C’est le postulat de l’ homogénéité du temps physique dans
chaque référentiel en translation uniforme qui est le plus novateur, et
constitue le cœur de la Relativité. Les origines du temps dans un référentiel
déterminé doivent être arbitraires pour l’expression des lois physiques ; il
faut choisir un temps qui soit homogène ; c’est le plus « commode »
pour que les lois soient les plus simples possibles. Selon Poincaré, il n’y a
pas de temps absolu, et sa définition nécessite la synchronisation des horloges
à l’aide de signaux lumineux.
Enfin le postulat de la causalité entre des
phénomènes, admis en physique classique par tous les physiciens, est
implicitement maintenu en Relativité. En conséquence, lorsqu’un premier
phénomène est la cause d’un second, le premier doit toujours être antérieur au
second, et ceci quel que soit le référentiel considéré.
La transformation de Lorentz-Poincaré
Les cinq postulats que l’on vient de récapituler sont très
simples à comprendre, et semblent presque évidents. Ils valent, comme tous les
postulats, ce que valent les conséquences qu’on en peut déduire. Or, aussi
étonnant que cela paraisse, ces postulats suffisent à eux seuls à fonder la
Relativité restreinte.
Évidemment, il faut ensuite les utiliser convenablement pour
obtenir les nouvelles relations entre les coordonnées spatiales et temporelle
de référentiels en translation uniforme les uns par rapport aux autres, et il
faut un certain génie pour chercher et trouver la bonne solution. On obtient la
transformation de Lorentz-Poincaré, qui est fondamentale car elle est à la base
de tous les développements ultérieurs de la Relativité.
Ni Poincaré ni Einstein n’ont pourtant réussi, malgré leur
génie, à faire une telle démonstration en utilisant uniquement ces postulats. Ce
seront des chercheurs qui le feront au cours du XX e siècle mais leur
travail sera grandement facilité car ils savent par avance dans quelle
direction ils doivent se diriger et ce qu’ils doivent démontrer, alors que les
pionniers tâtonnent dans des labyrinthes inexplorés.
Poincaré, ainsi qu’après lui Einstein, vont utiliser l’électromagnétisme
pour découvrir la transformation de Lorentz-Poincaré. Cela ne saurait nous
étonner car l’un et l’autre cherchaient une transformation qui rende
invariantes les équations de l’électromagnétisme. Les titres de leurs
publications sont, en ce sens, suffisamment explicites ; par exemple, pour
Poincaré : « Sur la dynamique de l’électron » ; pour
Einstein : « Sur l’électrodynamique des corps en mouvement ».
Pour sa part, Poincaré s’inspire des résultats de Lorentz, et
utilise une transformation, en lui donnant tout son sens, qui lui permet de
démontrer cette invariance. Quant à Einstein, il va ajouter par la suite un postulat
superflu, celui de la constance de la vitesse de la lumière, aux postulats de
Poincaré pour aboutir à la même transformation ; laquelle se trouve ainsi
également tributaire de l’électromagnétisme. Cette inféodation à un phénomène
physique particulier est évidemment une faiblesse en ce qui concerne une
transformation très générale relative essentiellement à l’espace et au temps
mais, historiquement, il en fut ainsi.
L’ensemble des idées et des résultats accumulés par Poincaré
entre 1898 et 1905 en font le véritable fondateur de la Relativité restreinte
car nous allons voir, au cours du chapitre suivant, qu’Einstein n’apporte rien
de nouveau en ce
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