Comment le jeune et ambitieux Einstein s'est approprié la Relativité restreinte de Poincaré
rapport à l’autre, les lois auxquelles sont soumis les
changements d’état des systèmes physiques restent les mêmes, quel que soit le
système de coordonnées auquel ces changements sont rapportés.
On retrouve l’extension du principe de relativité à tous les
phénomènes physiques déjà énoncé par Poincaré et publié en 1904 [Po1]. Einstein
se limite, comme Poincaré, aux systèmes de référence en translation uniforme.
Définition du temps physique dans un
référentiel Synchronisation des horloges
Einstein énonce une convention pour la mesure du temps
physique en tout point identique à celle déjà décrite par Poincaré. Voici le
texte d’Einstein :
Soit une horloge située en un point A de l’espace. Un
observateur qui se trouve en A peut déterminer la durée des événements qui se
déroulent dans le voisinage immédiat de A en notant les positions, simultanées
à ces événements, des aiguilles. Soit une autre horloge – que l’on suppose être
de construction identique à celle de A-située en un point B de l’espace. Un
observateur qui se trouve au point B pourra également déterminer la durée des
événements qui se déroulent dans son voisinage immédiat. La situation dans le
temps d’un événement en A ne peut cependant pas être comparée avec celle d’un
événement en B, sans une certaine convention préalable. Jusqu’alors nous n’avons
qu’un « temps-A » et un « temps-B », mais nous n’avons pas
défini de « temps » commun à A et à B. Ce dernier temps peut être
défini en posant par définition que le « temps » nécessaire à
la lumière pour aller de A à B est égal au « temps » qu’elle met pour
aller de B à A, Considérons un rayon lumineux qui part au « temps-A »
t A de A vers B, qu’il soit réfléchi au « temps-B » t B en B, et qu’il soit de retour en A au « temps-A » t’ A . Les
deux horloges sont par définition synchrones si : t B – t A = t’ A – t B .
Des idées déjà publiées par Poincaré
On voit que la définition du temps donnée par Einstein
reprend complètement les idées de Poincaré. Ce dernier avait en effet mis en
évidence, dans son texte de 1898 [Po4], la manière de définir le temps en deux
points éloignés à l’aide de signaux électromagnétiques. Puis il avait insisté
sur la « nécessité théorique » d’une définition rigoureuse du temps
prenant en compte la durée de parcours du signal :
En général, on néglige la durée de la transmission et on
regarde les deux événements comme simultanés. Mais, pour être rigoureux, il
faudrait faire encore une petite correction par un calcul compliqué ; on
ne la fait pas dans la pratique, parce qu’elle serait beaucoup plus faible que
les erreurs d’observation ; sa nécessité théorique n’en subsiste pas moins
à notre point de vue, qui est celui d’une définition rigoureuse.
D’autre part, si l’on compare ensuite le texte d’Einstein à
celui écrit par Poincaré [Po1] six mois auparavant, on s’aperçoit que la
définition donnée par Einstein de la synchronisation des horloges est identique
à celle de Poincaré. Or cette définition d’un temps homogène dans un
référentiel donné est fondamentale et est une conséquence des réflexions de
Poincaré parues dans son article de 1898. Einstein n’apporte donc rien de
nouveau sur ce point crucial, situé au cœur de la Relativité restreinte ainsi
qu’il le dira lui-même.
En effet, longtemps après, lors d’une conférence [Og1] qu’il
fit à Kyoto en décembre 1922, Einstein dira explicitement que le cœur du
problème de la Relativité restreinte est bien celui du temps. Au cours de cette
conférence, Einstein disserte sur le conflit entre l’invariance de la vitesse
de la lumière avec la règle d’addition galiléenne des vitesses. Il reconnaît qu’il
avait éprouvé une grande difficulté à comprendre pourquoi ces deux faits se
contredisaient l’un l’autre. Il conclut alors :
Ma solution résidait dans le concept même de temps, c’est-à-dire
dans le fait que le temps n’est pas défini de manière absolue, mais qu’il
existe une relation indissociable entre le temps et la vitesse d’un signal. Si
l’on comprenait cela, on pouvait résoudre complètement l’extraordinaire
difficulté précédente.
Ceci fut dit en 1922, et il y avait déjà dix ans que
Poincaré était décédé. Ainsi Einstein l’enterrait une
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