Comment vivaient nos ancêtres
entonneurs », et bien sûr les gardes suisses. Restent encore les dévots et les bigotes, toujours prêts à se mêler plus ou moins opportunément de la vie de leur paroisse, en particulier en dénonçant à l’évêque les travers de leur desservant. Combien de vieilles filles s’indignèrent ainsi de voir leur curé s’exhiber de façon « inconvenante » sur les premiers vélocipèdes !
En ville s’ajoutent les très nombreux couvents : dominicains, franciscains, augustins et cannes, qui sont eux aussi fréquemment en rivalité d’intérêts avec le clergé séculier.
Partout, à chaque carrefour, une croix rappelle le passant à la prière. Dans chaque maison, l’eau bénite, les rameaux et le cierge de la Chandeleur sont soigneusement et religieusement conservés pour être utilisés au bon moment. Certes, certaines régions de France sont plus pratiquantes que d’autres ; certes chaque curé doit lutter avec le sorcier, le cafetier qui distrait de la messe dominicale, ou quelque « Peppone » de maire. Au Fouilloux (Charente), c’était l’instituteur qui plaçait des pièges sur le trajet de la procession. Il n’en reste pas moins que la vie tout entière est à tout niveau déterminée par un curieux mélange d’Évangile, de sermon de curé et de superstitions, et que chaque village de France semble, comme sur les images d’Épinal, blotti autour de son clocher.
LE CHÂTEAU AU VILLAGE :
CABINE TÉLÉPHONIQUE OU P.M.E. ?
Dominant le village de sa fière silhouette, ou perdu au milieu d’un parc digne de la Belle au bois dormant, le château est presque aussi présent dans la vie rurale que l’église. Chaque village a le sien et aucun ne se ressemble. Il y a les grands châteaux, dont l’influence pèse sur la paroisse tout entière et qui sont souvent restés entre les mains des familles nobles. Louis XIV les a vidés en attirant leurs propriétaires à Versailles ; la Révolution les a menacés et parfois attaqués ; l’Empire et la Restauration leur ont rendu une vie animée, uniquement à la belle saison parfois car, en hiver, leurs occupants les désertent pour Paris ou quelque autre grande ville.
Restent les petits, très nombreux, qui n’en sont pas moins importants, car le château n’a pas besoin de tours ou de jardins à la Le Nôtre pour mériter son nom. Nos ancêtres ne s’y trompent d’ailleurs pas et baptisent ainsi couramment des habitations plus modestes, que l’on appellerait davantage maisons de maître. Ils n’ont pas tort car, avec ou sans tours, ce qui définit réellement le château c’est avant tout son assise agraire et le rôle social de ses habitants.
Centre d’un domaine rural, comprenant souvent plusieurs fermes exploitées en fermage ou en métayage, le château est habité par des nobles, des bourgeois ou de simples notables, qui mènent une vie différente de celle des villageois. Tout, dans l’organisation de la vie quotidienne, témoigne de leur place et de leur rôle. À l’église, ils ont comme nous l’avons vu leur banc ; M. le curé les attend pour commencer sa messe, leur fait offrir en premier la corbeille de pain bénit et demande souvent à ses fidèles de prier pour leur santé.
Les châtelains jouent volontiers auprès des paysans les rôles de conseil et d’écrivain public, rôle qui s’accentue lorsque, à la fin du XIX e siècle ou au début du XX e siècle, le château devient la première « cabine téléphonique » du hameau ou de la commune, où l’on vient appeler le vétérinaire ou le médecin. Car c’est au château qu’entre le progrès : première installation électrique, première salle de bains… comme c’est sur ses terres qu’apparaissent les premiers engrais.
Enfin, le château se distingue par sa domesticité. Selon le « standing », le chiffre peut varier beaucoup, allant d’une seule vieille bonne aux cent vingt serviteurs du prince Murat – une véritable P.M.E. ! Les familles qui ont un bon train de vie en emploient facilement une dizaine.
À la fin du siècle dernier, dans la haute bourgeoisie ou l’aristocratie, on ne saurait vivre décemment sans une cuisinière – chaque repas comporte souvent trois plats de viande au menu –, une femme de charge – femme à tout faire – et une femme de chambre. Parmi ses attributions, cette dernière doit coiffer Madame qui ne saurait aller se mêler aux clientes d’un coiffeur, et l’aider à mettre son chapeau afin de
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