Complots et cabales
catholique était celle du concile de Trente, et qu'au lieu d'accorder, après la guerre du Languedoc, aux protestants e l'odieux
> …dit de gr‚ce, il e˚t fallu bien au rebours éradiquer à jamais du royaume et de l'Europe entière le culte de l'hérésie et de ceux qui la professaient. Pour cette t‚che immense, une profonde entente de la France avec les Impériaux et les Espagnols s'avérait nécessaire. Et pour redevenir leurs amis, il faudrait assurément faire quelques petites concessions renoncer à Pignerol, à Suse, à Casal, abandonner nos amis italiens, et mettre fin à ces guerres si ruineuses pour le royaume que le mécontentement populaire en France provoquait partout des émeutes.
Je voudrais que le lecteur se ramentoive ici que Monsieur de Marillac était un homme infiniment respectable. Catholique sincère, époux fidèle, père rigide mais affectueux, charitable aux pauvres, et enfin ministre intègre, capable et laborieux, il menait une vie austère qui n'était faite que de devoirs et de vertus. Cependant, il y avait deux défauts à cette étincelante cuirasse. Le premier, c'est qu'oyant chaque dimanche à messe le devoir évangélique d'aimer son prochain, il p˚t en même temps appeler de ses voeux les plus ardents le massacre d'un million de protestants.
Un second défaut s'était glissé dans cette belle armure, car le combat de Monsieur de Marillac n'était pas absolument pur de tout intérêt personnel.
Il n'ignorait pas que le
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triomphe de sa politique serait aussi le sien, car Richelieu disparu de cette terre, la reine-mère l'appellerait à coup s˚r àle remplacer.
quant au cardinal, assis au milieu de cette famille royale qui désirait si furieusement et la mort du roi et la sienne, il ne regardait personne, et personne ne lui faisait l'aumône d'un regard. On e˚t dit qu'il allait quitter le monde avec le dernier souffle du moribond. Tant est que, voyant avec un immense chagrin disparaître de sa vie le maître qu'il servait avec tant de dévouement et d'amour, Richelieu se demandait s'il n'était pas déjà
plus mort que vif.
Ce qui suivit fut considéré comme un miracle par tous ceux qui se trouvaient là. Sur les onze heures du soir, la diarrhée sanguinolente reprend, plus forte que jamais. On croit le patient perdu, puisqu'il se vide, mais c'est ce qui, précisément, le sauve. Louis ne souffrait pas de dysenterie comme le croyaient les médecins, mais d'un abcès intestinal qui, par bonheur, creva et s'évacue maintenant avec le sang.
La convalescence s'avéra aussi rapide qu'avait été foudroyant le début de la maladie. La fièvre tomba, le douloir disparut, le malade s'endormit paisiblement. Le lendemain, il demanda à se lever et à souper.
Pour Marillac et pour la famille royale, que d'espoirs perdus ! que d'ambitions déçues ! et que de haines cuites et recuites, et maintenant inassouvies !
Cependant, la partie n'est pas encore perdue: les deux reines en secret confabulent. Le roi est encore faible et dolent. Ne pourrait-on pas tirer avantage de sa faiblesse pour lui arracher, par les voies les plus douces, le renvoi de Richelieu ?
Essuyant d'absentes larmes avec son mouchoir de dentelle, la reine Anne vient s'asseoir avec gr‚ce au chevet
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de son époux, et charmante en son désarroi, lui dit son immense soulagement, dans l'état o˘ elle est (attendant de nouveau un dauphin), de le voir sain et sauf après avoir souffert mal de mort à la pensée de le perdre... Là-dessus, elle le prie, elle le supplie de renvoyer Richelieu, "
la cause de tous nos maux et du vôtre, Sire, en particulier ".
Louis est à son tour fort galant. Il exprime à la reine son espoir et ses voeux pour que sa grossesse, cette fois, aboutisse, et lui fait " de grandes excuses pour n'avoir pas bien vécu avec elle jusque-là ".
Est-ce là générosité ou ironie ? Car c'est bien plutôt cette tête folle qui devrait s'excuser, et de sa légèreté dans l'affaire Buckingham, et de son trouble rôle dans l'affaire Chalais, et par-dessus tout, des renseignements traîtreux qu'elle a donnés pendant si longtemps à l'Espagne sur la politique de la France.
Mais Louis se sent trop faible pour ne pas se ménager et par conséquent pour ne la ménager point. Outre qu'il est fort déquiété en son for par l'indélicatesse d'une telle démarche en un tel moment, il ne veut pas entamer avec Anne une querelle qui se répéterait tous les jours. " M'amie, dit-il, vous avez
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