Complots et cabales
repu et soufflant fort, je fermais à demi les yeux. Vous iriez vous ensommeillant ? En ma présence ! à mes côtés! alors que j'ai tant de questions à vous poser !
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- M'amie, dis-je avec un soupir, posez, posez ! je vous répondrai de mon mieux!
- Est-il vrai que Louis à Lyon était à deux doigts de la mort ?
- C'est vrai.
- Et qu'il s'en est tiré par miracle ?
- Le miracle, m'amie, fut qu'un abcès qu'il avait dans ses entrailles creva et fut évacué.
- Est-il vrai, comme toute la Cour le dit, que Louis mort, le cardinal aurait été exécuté ?
- C'est hélas infiniment probable. Beaucoup de gens avaient juré sa mort: d'…pernon, La Rochefoucauld, Marillac.
- Le ministre ?
- Nenni ! Son frère, le maréchal de France. D'aucuns ont même proclamé, comme Monsieur de Troisville, enseigne aux mousquetaires, que si on lui en donnait l'ordre, il ferait ce que Monsieur de Vitry avait fait en 1617
àConcini : il tirerait à l'improviste une balle de pistolet à bout portant dans le visage du cardinal.
- Et vous, qui êtes un de ses plus fidèles serviteurs, vous tuerait-on aussi ? dit Catherine, la voix trémulante.
- C'est peu probable. quand un Grand est condamne, on ne tue pas ses serviteurs, car on estime que c'était leur devoir de servir fidèlement leur maître.
- Donc, vous seriez sauf.
- Pas tout à fait. On pourrait, se peut, me bannir de la Cour, et même de Paris. Nous devrions alors aller vivre àOrbieu, et on ne me donnerait plus de missions. De reste, peu me chaudrait. je n'aimerais pas servir la politique espagnole de la reine-mère et de Gaston.
Il y eut alors un silence, et interprétant ledit silence, j'en conclus que Catherine serait assez dépitée d'être bannie de Paris, mais, en revanche, fort débarrassée des appréhensions que lui donnaient mes absences. D'autre part, si peu que j'allasse à la Cour, elle serait ravie que j'en fusse banni, car elle voyait la Cour comme une armée de vertugadins affamés qui n'avaient en tête que les hauts-de-chausses des gentilshommes.
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- tes-vous bien assuré qu'on ne vous tuerait pas ? ditelle.
- Oui-da ! Outre que je serais toujours bien gardé, on n'oserait pas s'en prendre au filleul de la duchesse douairière de Guise.
- Une question encore i
- La dernière ?
- Oui-da, je le jure au nom de ma sainte patronymique. Est-ce que la cabale contre le cardinal va se poursuivre, dès lors que la paix semble se dessiner ?
- Paradoxalement, plus que jamais, m'amie. Car toute raison est absente de ces cervelles-là.
CHAPITRE XI
- Belle lectrice, un mot de gr‚ce !
- Comment, Monsieur? C'est vous qui ce jour d'hui m'interpellez! Ma fé !
quel étrange renversement des rôles! que diantre se passe-t-il et qu'avez-vous affaire à moi ?
- Vous voyant, Madame, si assidue à lire l'un après l'autre les volumes de mes Mémoires, j'aimerais savoir ce que vous pensez de Louis.
- Pour dire le vrai, de prime peu de bien. Son désamour pour le gentil sesso, son retard à e parfaire son mariage ", le fait qu'il vivait plus volontiers avec ses favoris qu'avec son épouse, son caractère clos et cousu, et dès lors qu'il frappait, son implacable justice, ne me l'ont pas rendu très aimable. J'ai même cru discerner chez lui un soupçon de méchantise dans la façon dont, selon le mot que vous employez, il tantalisait les gens qu'il voulait punir, c'est-à-dire en leur faisant croire par son retardement qu'ils allaient échapper à son ire. N'est-ce pas très surprenant chez le roi très chrétien ? Et àquoi attribuez-vous ce raffinement dans la punition ?
- ¿ sa jeunesse, Madame, odieusement brimée par sa mère et par les Concini.
C'est à ce moment-là que Louis apprit à attendre, à se taire, à attendre encore, à m‚cher, àrem‚cher ses ressentiments, jusqu'au moment o˘ à seize ans, ayant méticuleusement choisi ses acolytes et de main de maître organisé un complot, il frappa vite et durement. Il mit 262
à mort les Concini, et exila sa mère. Et ce jour d'hui encore, malgré cela, les clabaudeurs de cour continuent à dire de lui qu'il est faible, mou, hésitant et un toton 1 dans les mains de Richelieu. Faut-il que l'erreur ait un cou cuirassé pour qu'il soit, même ce jour d'hui, si difficile à
tordre !
- Si j'entends bien, Monsieur, de ces temps difficiles qui ont marqué sa jeunesse, Louis a pris l'habitude du silence et de la temporisation, et elle est devenue pour lui, avec le temps, une méthode de
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