Complots et cabales
envisager à la dérobée les longues et tristes figures que tiraient à cet instant Bérulle et Marillac. Un an plus tard, me ramentevant cette scène, je ne laissai pas de m'en étonner: comment un homme aussi averti que Marillac pouvait-il manquer à ce point de prudence et de raison que d'employer une seconde fois, pour parvenir à ses fins, une princesse tant balourde et malhabile, qu'un complot, dont elle était l'instrument, ne pouvait que faillir ? Mais ceci est une autre histoire, laquelle me plongea, quand je la vécus, dans des alarmes et des angoisses qui ne peuvent se dire.
quand la reine-mère eut terminé sa furieuse diatribe, Louis promena son regard sur les conseillers, mais il n'y en eut aucun qui os‚t approuver ou désapprouver Marie de Médicis, de peur d'encourir soit son courroux, soit celui de son fils. Et bien que Richelieu, changé en statue de pierre, ne bouge‚t ni ne pip‚t mot, Louis lui donna la parole sans qu'il l'e˚t demandée. Une vive curiosité apparut alors sur le visage des conseillers, la plupart se demandaient sans doute comment Richelieu allait s'y prendre pour opiner sans se f‚cher irrémédiablement avec la reine-mère. Cependant, Richelieu, impavide, n'avait à coeur que le roi et l'intérêt du royaume, et bien le montra-t-il en cette occasion.
- La réputation de Votre Majesté, dit-il tourné vers le roi, lui impose de prendre en main la cause de ses alliés, dès
lors qu'on les veut dépouiller. L'Espagne rêve de se.donner un importantissime avantage en t‚chant de saisir Casal. En la contraignant à
lever le siège, Sire, vous ne secourez pas seulement le duc de Nevers, vous rassurez les villes italiennes qui sentent leurs possessions menacées chaque jour par l'insatiable appétit de Philippe IV et d'Olivares : Florence, Parme, Modène, la république de Venise tremblent à l'idée de perdre leur indépendance. Le pape lui-même craint pour ses …tats (assez jolie pierre, m'apensai-je, jetée en passant dans le jardin des dévots).
Sire, l'Italie est comme le coeur du monde. C'est là o˘ tout se joue, et le Milanais est ce qu'il y a de plus important dans l'Empire espagnol. La raison en est qu'en occupant le Milanais, les Habsbourg de Madrid peuvent joindre à tout moment les Habsbourg de Vienne et ainsi décupler leurs forces. Ce n'est donc pas le moment de cligner doucement les yeux et d'oublier Casal. Et d'autant que l'Italie est le lieu o˘ l'Espagnol craint le plus d'être attaqué, 'y étant le plus vulnérable.
Après cette analyse o˘ tant de faits étaient exposés en si peu de mots, et qui rendaient par comparaison si creuses, maigrelettes et insuffisantes les interventions de Bérulle et de Marillac, Richelieu fit une pause et envisagea le roi comme s'il lui demandait la permission de poursuivre. Cet habile silence avait pour but de ramentevoir à Louis qu'il était le maître, et que son ministre ne pensait et ne parlait que sur son ordre.
- Poursuivez, Monsieur le Cardinal, dit le roi.
- Il n'y a pas lieu, Sire, dit Richelieu, de mettre en concurrence la levée du siège de Casal et la poursuite de la guerre contre les huguenots. Il faut s'attacher, l'une après l'autre, à ces entreprises, car l'une et l'autre sont nécessaires. Sire, je ne suis point prophète, mais je crois pouvoir assurer à Votre Majesté que, ne perdant pas de temps dans l'exécution de ce dessein, vous aurez fait lever le siège de Casal et donné
la paix à l'Italie dans le mois de mai. En revenant alors avec votre armée dans le Languedoc, vous réduirez les villes protestantes sous votre obéissance et y donnerez la paix
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dans le mois de juillet. De sorte que Votre Majesté pourra, comme je l'espère, revenir victorieuse à Paris dans le mois d'ao˚t.
Il y avait dans ce discours tant d'adresse, qu'il me laissa béant.
- Monsieur, un mot, de gr‚ce.
- Belle lectrice, je vous prête une oreille attentive.
- Il ne manquerait plus que vous ne me la prêtiez pas ! Je vous ai rendu tant de services ! Chaque fois que dans vos Mémoires vous aviez un point délicat à faire entendre au lecteur, vous ne laissiez pas que de m'appeler à rescourre.
- Mais j'en appelle aussi au lecteur.
- Mais vous ne lui donnez pas la parole.
- Parce qu'il ne la prend pas. qui ignore, Madame, qu'en ce monde les mignotes parlent plus tôt, plus vite et plus volontiers que les droles 1 ?
- C'est bien pourquoi je crains fort que votre petite duchesse, Monsieur, si vive et si
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